Je n'ai pas pu y assister en personne, mais grâce à la magie du numérique, j'ai pu visionner en rediffusion le Facebook Live de la table ronde d'ouverture. Thérèse Laferrière, directrice du Centre de recherche et d'intervention sur la réussite scolaire à l'Université Laval, Stéphane Roche, vice-doyen à la recherche à la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l'Université Laval et Pierre-Luc Lachance, directeur général de Québec Numérique participaient.
D'entrée de jeu, les participants se sont montrés sans équivoque: il devient urgent d'agir, cela fait trop longtemps que nous discourons sur les façons de donner un élan numérique/technologique au Québec. Chacun y est allé de ses suggestions, toutes aussi pertinentes les unes que les autres:
- Campagne de sensibilisation pour valoriser l'importance d'agir
- Mise en place du calcul du quotien numérique, à l'image du quotien intellectuel
- Engagement des enseignants pour placer les élèves en action face au numérique
- Couverture globale du territoire avec l'internet haute vitesse
- Mise en place d'une sorte de Permis numérique, avec un formation que les gens pourraient suivre volontairement (à l'image du permis de conduire dont la formation est accessible à tout ceux qui le désirent)
- Obliger les ministres et élus à réussir un test de connaissance numérique
La déclaration choc (et ce qu'il faut retenir de la table ronde, selon moi) est venu de M. Roche. « Un coup d'État numérique est devenu nécessaire parce que les transformations que le numérique impose aujourd'hui sont trop rapides pour qu'on mette en place des processus d'adaptation. On ne pourra pas s'adapter. La seule manière d'y faire face, c'est de transformer radicalement la façon de faire les choses. Si non, on va manquer le bateau. Pour moi, il faut des actions assez significatives, drastiques et rapides pour espérer être là où on veut être dans 20 ans. ».
Il a poursuivit en soutenant qu'une sensibilisation des gens actuellement au pouvoir est importante. Selon lui, cela est d'autant plus pertinent que la « techno structure présentement en place dans les hautes instances a autant la capacité de faire avancer les choses que la force de maintenir le statu quo ».
Tous s'entendent pour dire que la progression du numérique ne doit pas passer par la mise en place d'un conseil du numérique ou l'ajout d'une structure supplémentaire de promotion du numérique.
Selon eux, le véritable passage au numérique se fera par l'engagement des citoyens, par une évangélisation qui sera faite par ceux qui y croient vraiment, par le regroupement de gens convaincus qui deviendront des références. La force du réseau agira.
Plusieurs sujets ont été apportés, j'en présente un résumé en vrac ici:
Les algorithmes
On devient des esclaves 2.0: on joue le jeu des algorithmes. Les algorithmes nous maintiennent dans une certaine zone de confiance, on a l'impression qu'on voit tout alors qu'ils nous enferment dans une bulle qui nous privent de découvrir certaines informations.
Enjeu d'éthique et de protection des renseignements personnels
On donne nos informations à des algorithmes qui sont situés aux quatre coins du monde. Qu'on le veuille ou non, nous sommes à risque en agissant ainsi. Pourtant, il n'y a toujours aucune prise de position gouvernemental à ce sujet.
Dans le monde de l'éducation, il y a un véritable enjeu de protection des renseignements des élèves. Faute d'outils adéquats fournis par le ministère, les enseignants qui veulent avancer utilisent des outils gratuits en ligne (exemple: suite Google), mais cela amène des enjeux à propos des données de navigation des élèves. « Quand c'est gratuit, vous êtes le produit! »
Le rôle du citoyen
La façon d'exercer la démocratie change avec le numérique. Les députés ont entre les mains un outil incroyable pour reprendre le dialogue avec les citoyens (faire des consultations plus largement, plus simplement). « Remettre le députés au coeur de la fonction politique grâce au numérique »
Le numérique met en lumière une crise majeur de la démocratie. Les outils sont là, mais encore faut-il avoir la volonté de les utiliser pour changer les façons de faire...
Logique de mondialisation
Comment tirez notre épingle du jeu? Nous devons exploiter notre côté francophone, développer des contenus en collaboration, travailler en réseau. Le plus rapidement sera le mieux, selon Mme Laferrière, si non, en 2027, nous n'aurons pas avancé. Elle déplore que ce réflexe de co-création ne soit pas encore très présent dans le milieu de l'éducation (production de manuels, cours en ligne...).
Il faut arrêter de voir le numérique comme quelque chose qui pose problème et le considérer comme quelque chose qui nous aide à nous développer. Il n'en tient qu'à nous de le mettre en place. Nous pourrions y arriver que si on met en synergie toutes les forces (éducation, public, privé, citoyen). Le numérique ne peut être un embrayeur de société si on ne fait pas fonctionner tout ça ensemble. Il faut arrêter d'être en réaction face à des événements. - Stéphane Roche
Le droit d'auteur
L'industrie de la musique a des travaux à faire pour s'adapter au marché. La musique s'est dématérialisée. On ne peut payer le même prix pour la musique « dématérialisée » que pour des boitiers.
Les aînés
La présidente de l'Association des étudiants de l'université du troisième âge de l'Université Laval est venu demander que les aînés ne soient pas oubliés dans les décisions qui seront prises en lien avec la formation avec le numérique.
L'agilité des organisations
Les organisations devront se montrer plus agile pour faire face aux changements que posent le numérique. Elles ne peuvent plus prendre autant de temps qu'avant pour réfléchir face à une situation, si non, la situation sera déjà dépassé lorsqu'elles prendront une décision.
L'intelligence artificielle
L'intelligence artificielle aura certainement un rôle à jouer dans la société de demain. Mme Laferrière a appelé les instances gouvernementales à s'intéresser rapidement aux possibilités offertes par l'intelligence artificielle.
Au final, si il y a quelque chose à retenir de ce panel, c'est bien que le statu quo n'est plus acceptable. Il faut cesser de parler de virage numérique et entrer dans le virage à pleine vitesse. Autrement, on manquera le virage et on se dirigera directement dans un mur. La société québécoise dans l'état où elle se trouve présentement ne peut se permettre de passer à côté des possibilités offertes par le numérique.
Prêt pour le coup d'État?