Est-ce que ça prend du courage pour clamer son amour pour la langue française en 2021? Malgré toutes les campagnes de publicité du gouvernement qu'on entend et voit dans les médias, ça ne fait pas très « in » de dire qu'on aime le français.
Ça fait une escousse que j'ai envie d'écrire ce billet et pourtant, je le remettais constamment à plus tard. Et puis, il a fallu qu'il se passe toute une série d'événements pour que je me décide enfin.
Je gagne ma vie en jouant avec les mots. Depuis toujours, j'ai aimé découvrir de nouveaux mots, les assembler, les entre-mêler, leur donner du sens, leur donner une nouvelle vie. J'aime aussi lire ce que les autres font de ces mots, voir jusqu'où l'imagination peut les porter.
Oui, le français n'est pas toujours une langue facile. Il y a des exceptions, des lettres muettes qui nous compliquent la vie et tout un tas de règles grammaticales. Et pourtant, si on se donne la peine, il est possible de l'apprivoiser, de l'apprécier, de l'aimer, même!
Je ne suis pas une puriste du français. Vous l'avez vu, j'ai utilisé un mot en anglais dans le premier paragraphe. Scandale? Non! Parce que le français est vivant. Il s'inspire de ce qui l'entoure. Il se transforme et s'adapte.
Pour moi, il n'y a pas « un » français, il y a plusieurs français. Qui prennent toutes sortes de couleurs et d'accents selon les villes, les régions, les peuples. Et c'est ça, la beauté du français. Ce n'est pas une langue figée dans le temps. C'est une langue qui évolue avec ceux qui la parlent. Du coup, j'adore découvrir les expressions d'ici et d'ailleurs.
Par contre, je crois qu'il est important de parler et d'écrire un français correct. T'sé, ce n'est pas parce qu'on se texte qu'il faut écrire en acronyme. J'ai toujours porté une attention particulière à ça. Je texte toujours comme si j'écrivais un courriel. Oui, ma fille me répond en « français codé », mais je sais aussi que ça l'amène à mieux écrire, à lire un français structuré, à voir l'importance de la langue.
C'est un exemple de petit geste. Avec ça, je veux dire qu'il nous appartient à chacun de nous, francophones ou francophiles, de faire notre part pour faire la promotion du français. Écoutez les chansons de Patrice Michaud, vous n'entendrez jamais un mot d'anglais. Ce n'est pas anodin.
Je suis dans le milieu des technologies où les expressions en anglais sont légions. D'ailleurs, depuis que je suis des cours à l'université dans ce domaine, cela me saute aux yeux constamment. Il y a du travail à faire dans ce domaine. À la dernière session, quand l'enseignant parlait de « cloud computing » et d'« IoT », je lui ai remis un travail qui parlait d'infonuagique et d'internet des objets.
Bref, pour moi, c'est ultra important de faire un effort et de porter une attention particulière pour vivre en français. Ça fait partie de mes valeurs. Il faut dire que j'ai grandi dans un milieu où c'était valorisé. Il y a des familles où, à l'arrivée d'un nouveau membre qui ne parle pas français, on s'empresse de lui donner des notions de base pour qu'il apprenne rapidement les rudiments. Il y a d'autres familles où on se met tout simplement à parler le langage de l'autre. J'ai grandi dans le genre de famille qui est dans la première catégorie.
Et tout ça ne veut pas dire que je suis fermée aux autres langues. Au contraire, je me considère comme étant bilingue en anglais (même si j'ai un accent terrible), j'ai une base en espagnol et je connais quelques mots dans d'autres langues. Je trouve que c'est important, et même nécessaire, de connaître plusieurs langues.
Ce n'est pas parce qu'on chérit une langue qu'on ne peut pas en maîtriser d'autres. Pourquoi s'emmurer dans un univers alors qu'on peut en découvrir plusieurs? Au Québec (et même au Canada), on a trop longtemps vécu dans cette dualité : français et anglais, un ou l'autre ou les deux. Et pourquoi pas autre chose? En Europe, il n'est pas rare de croiser des gens qui parlent trois, quatre et même cinq langues.
Pour moi, c'est un symbole d'ouverture à l'autre. C'est une richesse incroyable de découvrir d'autres langages, ce qui conduit à la découverte d'autres cultures.
Le français fait partie de l'ADN du Québec (et du Canada aussi, ne l'oublions pas). Cela doit demeurer. Il fait partie de notre histoire et de notre culture. Il appartient à chacun d'entre nous de le mettre en valeur. Cela demande de la vigilance, de la persévérance et de la fierté. Chacun à sa façon. Ça pourrait devenir « in » de bien s'exprimer en français et de rejeter la condescendance de certains à l'endroit des francophones.
Ajout du 13 novembre :
Cette citation avec laquelle je suis entièrement d'accord.
« La langue est une chose vivante, qui évolue, et le français vieillit bien, dit-elle. Il n’y aura jamais de grammaire parfaite du français parce qu’il vit, justement. Le jour où la grammaire du français atteindrait la perfection, ce serait parce qu’il est mort, comme le latin. »
Karol-Anne T. Auger, président de la section Centre-du-Québec de l'Association québécoise des professeurs de français et enseignante au collègue Saint-Bernard, à Drummondville.