« Jamais, jusqu’à aujourd’hui, nous n’avions eu une description aussi précise du lecteur de livres en général et du lecteur de livres numériques en particulier », affirme Michael Tamblyn de la boutique de livres numériques Kobo, soutenue par les libraires Indigo au Canada et Borders aux États-Unis. C’est que, depuis une année et demi, les gens de Kobo ont passé de nombreuses heures à récolter toutes sortes de données à propos de leurs clients. Les informations dont ils disposent sont à la fois surprenantes et prévisibles! En voici un aperçu.
Commençons par quelques données très intéressantes (en ce qui me concerne du moins) et qui ne sont pas si médiatisées… Kobo a étudié la courbe de lecture de ses clients, c’est-à-dire les moments dans la journée où ceux-ci lisent. Résultat : contrairement à la croyance populaire les plus grands lecteurs ne sont pas ceux qui lisent le soir.
« C’est même complètement l’inverse », indique Tamblyn. De fait, les gens qui lisent le soir y consacrent en moyenne 15 à 20 minutes, soit juste quelques minutes avant de se mettre au lit, alors que les gens qui lisent pendant la journée le font pour des périodes de plus de 30 minutes. Les lecteurs sont particulièrement actifs aux heures de pointe (6h à 9h et 15h à 18h), ce qui laisse deviner que les utilisateurs de transport en commun sont de grands lecteurs et que le livre numérique correspond à leur style de vie.
S’il y a moins de livres numériques qui se lisent le soir, on assiste tout de même à une période de pointe pour l’achat de bouquins, entre 20h et minuit. Comme ce sont des heures où les gens sont généralement à la maison, ils se permettent de flâner dans les rayons virtuels des boutiques de livres numériques et de faire des achats. Ces boutiques sont ouvertes 24h sur 24 et nul besoin de se déplacer pour les visiter!
Flâner en ligne à la recherche d’un livre, c’est bien. Mais, si les consommateurs ont la possibilité de consulter des extraits avant de faire un achat, c’est encore mieux! « Les extraits de livres sont déterminants sur les ventes de livres numériques. Le consommateur doit pouvoir se faire une juste idée du produit qu’il s’apprête à acheter afin de faire un choix éclairé », souligne Tamblyn.
Généralement, l’extrait offert gratuitement correspond au premier chapitre ou à 5% du livre. L’équipe de Kobo mène présentement des recherches pour déterminer la « longueur idéale » de l’extrait qui devrait être offert.
Le lecteur de livres numériques
Le lecteur de livres numériques n’a pas un profil unique. Kobo identifie quatre types de consommateurs et concentre maintenant l’ensemble de ses opérations marketing autour de ceux-ci.
La lectrice insatiable
C’est une femme.
Elle lit des ouvrages de fiction (autant de la fiction pour adultes que celle destinée aux adolescents) et des biographies.
Elle lit sur une tablette à encre électronique, le plus souvent un Kobo Reader.
À sa première visite chez Kobo, elle a dépensé 35$. Puis, à chaque visite, elle dépense 25$ en moyenne. De plus, elle termine un livre aux 3-4 jours, ce qui fait qu’elle passe environ sept commandes par mois. Autrement dit, c’est la consommatrice rêvée!
Fait à noter : elle est généralement cliente depuis juin 2010 et elle achète de plus en plus.
Mentionnons également que ceux qui sont devenus clients chez Kobo en novembre 2010 dépensaient 70% plus d’argent dès leur première commande que ceux qui étaient devenus clients en juin 2010.
Selon Tamblyn, cela s’explique par le catalogue en croissance, le marketing de plus en plus ciblé, la communication accrue sur le Web et le fait que la lecture numérique est de plus en plus connue et reconnue comme étant accessible à tous.
Le lecteur sur petit écran
C’est le plus souvent une jeune femme.
Elle lit des ouvrages généraux, de « romance » ou de « fantasy ».
Elle lit uniquement sur son téléphone intelligent, le plus souvent un iPhone.
À sa première visite chez Kobo, elle a dépensé 15$. Puis, à chaque visite, elle dépense 11$ en moyenne. Elle passe environ une commande par mois. Ce n’est donc pas une consommatrice extrêmement payante, mais elle est fidèle.
« Ce segment représente la majorité des consommateurs de livres numériques pour le moment, il est donc très important. Il faut reconnaître que ces lecteurs, qui lisent sur petits écrans, ont moins de tolérance face au prix des livres. Un livre doit coûter entre 7$ et 9$ pour l’intéresser. »
Ce segment de lecteur participe également à la consécration du ePub comme véritable format de la lecture numérique, puisque le PDF se lit extrêmement mal sur un petit écran. J’ai d’ailleurs récemment abordé ce sujet ici même sur mon blogue.
Le lecteur social sur iPad
C’est le plus souvent un jeune homme.
Il lit uniquement sur un iPad.
À sa première visite chez Kobo, il a dépensé 22$. Puis, à chaque visite, il dépense 16$ en moyenne. Il passe environ 4,5 commandes par mois, ce qui en fait un consommateur intéressant.
Cette catégorie de lecteur est en croissance depuis le lancement de l’application Reading Life de Kobo, une application où tout peut être partagé sur les réseaux sociaux (annoncer qu’on débute la lecture d’un livre, partager un paragraphe, annoncer qu’on a terminé un livre, etc.). De plus, chaque moment de lecture est comptabilisé. Il est même possible pour les lecteurs de recevoir des récompenses, lorsqu’ils auraient lu tous les ouvrages d’un auteur en particulier, par exemple. Évidemment, ces récompenses peuvent être affichées sur les réseaux sociaux.
Selon Tamblyn, 98% des utilisateurs de Reading Life utilisent les fonctions sociales. Cette application est maintenant offerte sur iPhone et le sera bientôt sur Kobo Reader. Il affirme également que les utilisateurs de Reading Life passent 50% plus de temps à lire que les autres lecteurs de livres numériques. L’aspect social représenterait donc une motivation supplémentaire pour encourager les gens à lire davantage.
Le collectionneur de livres gratuits
C’est un homme.
Il lit beaucoup sur ordinateur.
Il recherche uniquement des livres gratuits. Peu importe, le contenu, si c’est gratuit, il le télécharge dans son ordinateur. Il veut se constituer une bibliothèque de livres gratuits. Il a accès du contenu auquel il n’avait pas accès avant et il est comblé. Cependant, il est très résistant au marketing.
Tamblyn rappelle qu’il faut distinguer ce type de lecteur de ceux qui téléchargent un livre gratuit pour faire l’essai de la lecture numérique et qui ensuite paient pour leurs livres. Ceux-ci sont quand même très nombreux. Le collectionneur de livres gratuits n’a aucune intention de payer pour un livre!
Finalement, Tamblyn rappelle aux éditeurs que les consommateurs veulent des best-sellers en numérique. Les livres qui se vendent le mieux en numérique sont souvent ceux qui se vendent bien aussi en papier, dit-il.
La conférence de Michael Tamblyn, présentée dans le cadre d’une série de présentations en ligne de l’organisme Tools of change for publishing (TOC), est maintenant accessible en ligne dans son intégralité.