dimanche 12 avril 2020

Cette ruralité qui m'habite


J'avais cette idée de blogue depuis des mois, mais je n'arrivais pas à l'écrire. Et voilà qu'une idée pour l'après pandémie lancé par mon ami Clément m'a finalement donné l'élan qui me manquait pour le faire.

J'ai grandi sur une ferme laitière, à la campagne. J'ai grandi entre la plaine et le fleuve, bercée par les marées et les vents dominants de l'ouest.

Grandir à la ferme, ça veut dire vivre au rythme des saisons, vivre selon l'horaire des animaux, profiter du grand air et de grands espaces de jeu. Cela veut dire apprendre à cultiver la terre, à cuisiner des aliments frais, à reconnaître les espèces, les races, de la faune et de la flore.

Cela veut dire travailler de longues heures sans compter, mais toujours avec passion. Les agriculteurs sont des entrepreneurs qui font prospérer leur entreprise à la sueur de leur front, en étant à la merci des aléas de la nature.

Je me plais aussi à citer que des études ont déjà établi une corrélation entre la résistance aux allergies ou l'auto-immunité et l'exposition pendant l'enfance à des fermes ou à la vie à la ferme.

Et puis, on parle souvent des valeurs associées à la campagne: l'entraide, le partage, la persévérance, la simplicité de vivre, l'authenticité, etc.

J'ai toujours été convaincue que la ruralité avait contribué largement à faire de moi la personne que je suis. Je suis sortie de la campagne depuis quelques décennies maintenant mais jamais, cette fierté de la ruralité ne sortira de moi.

Je suis sortie de la campagne parce que la ville m'appelait aussi. Mais n'empêche que le besoin du fleuve et de la plaine se font régulièrement sentir chez moi.

« ... quand t'as goûté à l'air de la campagne, tu y reviens, tu finis par y revenir. »               - Gabrielle Roy, Bonheur d'occasion 

L'odeur du foin fraîchement coupé, les balles de foin qu'on entre dans la grange en pleine canicule, les vaches que l'on traie, les veaux qu'on fait boire au biberon, les chats qui courent partout dans l'étable, le harfang des neiges qui revient à chaque hiver, les oies blanches qui passent au printemps et à l'automne. Les promenades en tracteur, le temps des récoltes, les pique-nique aux champs, la pêche à l'anguille. Entendre le camion arriver pour venir chercher le lait, aller porter le grain récolté à la meunerie locale, faire du fromage maison, etc.

Quand je circule sur les routes du Québec rural, je ressens un profond respect pour ces hommes et ces femmes qui se donnent corps et âme à l'agriculture. Ne perdez pas patience quand vous êtes « coincés » derrière un tracteur qui roule trop lentement à votre goût, soyez fiers de celui qui le conduit et qui travaille pour vous nourrir.

Le Québec rural fait partie de notre histoire, de notre patrimoine. Il est encore essentiel aujourd'hui et il le sera toujours. Pourtant, trop souvent, je trouve qu'on le sous-estime.

De plus en plus de Québécois n'ont aucun membre de leur famille qui possède une ferme. Je suis maintenant du nombre. Cela me manque. Cela me manque terriblement.

Privé de l'entraide familiale d'autrefois, le Québec agricole dépend aujourd'hui de la main-d'oeuvre étrangère pour fonctionner. C'est triste et beau à la fois.

Et puis, trop peu de Québécois peuvent aujourd'hui bénéficier d'un véritable contact avec la terre, vivre l'expérience agricole pour vrai. L'émission Arrive en campagne présentée à TVA peut sembler anecdotique, mais pour moi, elle représente une belle vitrine pour la campagne. Tout comme, le Salon de l'agriculture, de l'alimentation et de la consommation, organisé à chaque année par des étudiants de la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval.

Depuis quelques semaines, en pleine pandémie, la nécessité d'avoir une agriculture locale forte, innovante, créative est plus valorisée que jamais. Je suis heureuse que cette réalité revienne à l'avant-plan de l'actualité. Nos agriculteurs qui remplissent le garde-manger du Québec sont des entrepreneurs ingénieux qui ont besoin qu'on reconnaisse leur travail.

Ceci est un long détour pour revenir à l'idée de mon ami Clément. Mais voilà, cette semaine, il suggérait d'instaurer un service agricole obligatoire pour tous les jeunes Québécois.

« Ce serait une façon de prêter main forte aux agriculteurs et agricultrices québécoises (qui autrement dépendent de la main d'oeuvre étrangère), de développer des connaissances de bases en agriculture, et de mieux comprendre le circuit alimentaire, de la terre à notre assiette. »

Depuis longtemps, je me dis que tous les jeunes Québécois devraient avoir la chance de vivre une véritable expérience agricole de quelques semaines ou quelques mois dans leur vie. Pour voir, sentir, toucher, respirer, goûter, cultiver, récolter, élever, découvrir.... pour changer leur vie.

Je n'ai aucune idée de la façon dont cela pourrait se concrétiser. Mais il m'apparaissait important de le souligner ici. Pour qu'on n'oublie pas après la pandémie et que la valorisation du monde agricole soit durable.


Autre lecture sur le sujet:
Grandir la ferme : la garderie dans le champ
- Une histoire de famille depuis 1769