vendredi 30 avril 2021

Un épisode sur la langueur

 


Depuis quelques jours, j'ai l'impression d'être dans une sorte de « no man's land », entre deux mondes, en flottement. Et puis, j'ai vu passer, probablement comme plusieurs d'entre vous, cet article qui parlait du nouveau terme à la mode: la langueur.

C'est l'émotion dominante depuis le début de l'année. C'est « un état de fatigue, de lassitude, un manque de motivation et de concentration ». On vit dans l'attente que « ça finisse ». On n'ose plus faire de projets à moyen et long terme. On ne sait pas ce qui nous attend demain même si ce sera probablement la même chose qu'aujourd'hui. En fait, contrairement au dicton, les journées se suivent... et se ressemblent toutes.

Personnellement, c'est comme si j'étais sur une sorte de « pilote automatique ». J'ai arrêté de penser à demain tout simplement. Je me lève, je travaille, j'accompagne ma fille dans ses apprentissages à distance, je jase avec mon chum, j'appelle ma mère, je vais prendre une marche... C'est comme si j'avais oublié que la vie, ça pouvait être autre chose que ça. 

Ça pouvait aussi être de prendre une pause de l'ordinateur, aller marcher au bord du fleuve, aller passer un après-midi à magasiner à Place Laurier, aller voir la dernière exposition au Musée, manger au restaurant, prendre une bière dans une microbrasserie, (enfin) aller voir La déesse des mouches à feu au cinéma et quoi d'autres encore. Il y a tant de choses qui commencent à nous manquer, plus fort que d'habitude.

C'est comme si j'étais enfermée dans une sorte de monde parallèle où tout semble désormais irréel. Plus capable d'en sortir. Mais je n'arrête pas de me répéter qu'il faut garder le moral, que « ça achève ». Je dois me convaincre que « ça finira pour vrai un jour ».

Et là, je pèse sur « Pause ». La langueur m'a gagné depuis quelques jours mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de « beau » autour de moi. Depuis un an, je répète à tout le monde qu'il y a quelque chose de beau dans chaque journée. Ça devient peut-être plus difficile de le trouver, mais il est là quand même. 

Alors, je pèse sur « Pause ». Je prends un temps d'arrêt pour regarder derrière moi, jeter un regard sur ce que j'ai accompli au cours des derniers mois. Je prends le temps de réaliser qu'il y a bien du positif pour moi professionnellement et personnellement. Ces mois n'auront pas été vainc. 

Je suis retournée à l'Université. Ça faisait longtemps que je voulais m'inscrire à une nouvelle formation. J'ai trouvé le DESS en gestion des affaires numériques à l'Université Laval. J'ai fait la demande et j'ai été accepté (le contraire m'aurait surprise, mettons!). 

Je viens de terminer le cours sur les systèmes d'information. Je commence le cours sur les technologies futures en affaires. Un cours par session, c'est réaliste pour moi. Je le fais pour moi, parce que j'ai toujours aimé apprendre. Parce que j'ai un bacc en communication mais que le numérique fait partie de ma vie. Je le fais pour montrer à ma fille qu'on n'a jamais fini d'apprendre dans la vie. 

J'ai coordonné la réalisation d'un numéro spécial du magazine École branchée, destiné aux parents. Ce fût un retour à l'édition pour moi. Un véritable projet coup de coeur, centré sur le bien-être des familles en cette période trouble. Je l'ai voulu utile pour les parents. J'ai voulu qu'ils y trouvent une source de réconfort pour passer à travers la tempête. Des auteurs extraordinaires ont contribué à ce magazine. 

Je n'ai jamais perdu de vue ce message que je voulais transmettre tout au long de la production : « L'usage accru du numérique suscite bien des inquiétudes, mais offre certainement la possibilité de développer de nombreuses habiletés et compétences. L'enseignement à distance devient source de stress, mais représente aussi l'occasion de revenir à l'essentiel dans les relations enfants-enseignants, parents- enfants, parents-enseignants. »

Justement, pour moi, l'enseignement à distance m'a permis de « booster » ma relation avec ma fille. Oui, je ne suis pas autant productive quand elle est là. Mais, que ces moments passés avec elle me sont chers. Nos fous rires sont devenus mémorables. Notre complicité me rend fière. Et puis, ma présence l'aide grandement à garder sa motivation à l'école. Je fais le choix de la placer en priorité. Après un mois d'enseignement à distance, le moral de certains élèves doit être au plus bas. Ça, ça m'inquiète.

J'ai aussi coordonné la réalisation d'une première série de balado, avec l'équipe du service national du RÉCIT, domaine du développement de la personne (le RÉCTI DP, pour les intimes!). Le balado Les Temps modernes vise à prendre le temps de discuter sur des enjeux autour de l'univers du numérique (équilibre, temps d'écran, droit à la déconnexion, multitâche, jeux vidéo). Un autre sujet que j'ai grandement à coeur. L'éducation à la citoyenneté à l'ère du numérique devient un thème central dans notre société.

Ici encore, j'ai collaboré avec des gens extraordinaires et généreux qui ont accepté de participer aux épisodes. Je suis sortie de ma zone de confort en animant deux épisodes. J'ai apprivoisé le balado comme médium. Pour une fille de l'écrit comme moi, ce fût formateur.

Je regarde derrière et je vois d'autres « beaux », comme l'événement Initiatives numériques gouvernementales de la Semaine numériQC. Et comme l'équipe a travaillé fort pour rendre l'événement complet de la Semaine numériQC accessible en ligne!

Je regarde devant moi maintenant et je vois de l'espoir. Les projets emballants se poursuivent avec l'École branchée et le RÉCIT DP, avec d'autres à venir aussi. Je me répète que cette pandémie ne va pas tuer ma passion pour faire vivre le numérique, ma passion pour l'écriture, les communications. Elle ne va pas tuer le plaisir que j'ai à côtoyer des gens de tous les horizons, mon désir de contribuer à la société. 

Il faut que je combatte cette langueur parce que le « beau » est toujours là. Il faut que je m'arrête un peu plus souvent. 

Cette semaine, j'ai participé à plusieurs conférences dans le cadre du Sommet du numérique en éducation. Je retiens deux citations qui m'ont fait du bien.

« Le monde dit normal que nous connaissions était la somme de nos décisions du passé. Nous avons la chance aujourd'hui de créer une nouvelle normalité selon nos désirs et à notre image. Nous ne pouvons pas passer à côté de cette opportunité. »

« Dans les cours de secourisme, on nous répète qu'il faut prendre soin de soi avant de prendre soin des autres (ex. mettre son masque à oxygène en premier en avion). Car si on est mal en point, on ne pourra pas aider les autres. C'est d'autant plus vrai en ce moment. »

Alors, je m'en vais relaxer et prenez soin de vous! 









lundi 12 avril 2021

Le déploiement d’une stratégie numérique en prévention du suicide


L’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS) a le mandat de déployer une stratégie numérique en prévention du suicide pour le Québec. L’équipe de la Semaine numériQC en a discuté avec Jérôme Gaudreault, directeur général de l’AQPS.

 

Si la réalisation du projet de l’AQPS a quelque peu été influencée par la pandémie, le déploiement complet a quand même eu lieu le mois dernier. Le nouveau Service numérique québécois en prévention du suicide, disponible au www.suicide.ca, est un service gratuit.

 

Bilingue, accessible et confidentiel, il a pour but de prévenir le suicide au moyen des technologies numériques, en informant et en aidant les personnes vulnérables au suicide, les proches et les endeuillés par suicide. Plus concrètement, Suicide.ca propose un service d’intervention par clavardage, des informations pratiques et des outils pour prendre soin de sa santé mentale.


Semaine numériQC : Tout d'abord, j'imagine que la pandémie a fortement influencé la façon dont vous rejoignez les gens qui ont besoin de vos services?  Quels ont été vos plus grands défis depuis le début de la pandémie?


Jérôme Gaudreault : Du côté de l’AQPS, les principaux utilisateurs de nos services sont les intervenants qui agissent auprès des personnes vulnérables au suicide, notamment par le biais des formations que nous prodiguons. Le défi pour notre équipe a donc été d’effectuer un « virage numérique » rapide pour adapter et proposer nos contenus de formation en mode virtuel.


Semaine numériQC : La pandémie a permis de remettre la santé mentale au centre des préoccupations. Comment croyez-vous que cela influencera votre travail au cours des prochaines années?


Jérôme Gaudreault : C’est certain que la pandémie a permis de mettre la santé mentale au cœur des conversations. Pour nous, qui véhiculons depuis des années l’importance de parler du suicide, cela représente une belle ouverture.


Par contre, on ne saurait prédire l’avenir : difficile de savoir si la pandémie aura un effet sur la santé mentale des individus à plus long terme ou si cela demeurera une préoccupation pour une majorité de la population. Chose certaine, nous souhaitons que les conversations sur le suicide demeurent ouvertes et que la prévention reste à l’avant-plan.

 

Semaine numériQC : Le service numérique québécois en prévention du suicide était déjà prévu avant mars 2020. Comment le contexte de la pandémie a-t-il influencé sa mise en œuvre?


Jérôme Gaudreault : Bien que le Service numérique québécois en prévention du suicide ait été lancé à l’automne 2020 alors que la pandémie battait son plein, ce virage numérique était prévu depuis 2017 afin d’offrir une aide à portée de main, plus accessible et adaptée aux meilleures pratiques numériques possibles dans notre créneau.


En fait, l’arrivée de la pandémie a surtout représenté des défis supplémentaires : morcellement des équipes, télétravail, pause des embauches, etc. La pandémie nous a demandé un certain ajustement dans les délais de livraison du projet, afin de respecter les capacités d’adaptation de nos partenaires. Nous avons donc opté pour un démarrage en douceur, nous permettant ainsi d’ajuster nos pratiques et valider la fiabilité du système, jusqu’à un lancement complet du service 7j/7, 24h/24, qui se fera à la mi-avril.


Semaine numériQC : Qu'est-ce que ce service numérique vous permettra de faire de plus ou différemment pour rejoindre les gens qui ont besoin de vos services?


Jérôme Gaudreault : En fait, on peut dire qu’il s’agit d’une nouvelle porte d’entrée pour demander de l’aide, que ce soit pour soi-même, pour un proche pour qui l’on s’inquiète ou en tant que personne endeuillée par suicide. Cela permet de faciliter la demande d’aide pour des personnes qui auraient plus de difficulté à parler de leurs émotions de vice voix, ou qui ne peuvent échanger à voix haute dans leur environnement. Cela permet aussi d’assurer une accessibilité à des services d’aide, peu importe le lieu géographique.


Semaine numériQC : Quelles sont les conditions gagnantes d'une collaboration entre un organisme comme le vôtre et un partenaire technologique pour la mise en place d'un projet comme celui-ci qui se veut résolument humain, car il rejoint une clientèle vivant des situations de détresse?


Jérôme Gaudreault : Une condition gagnante essentielle est certainement une grande ouverture d’esprit de part et d’autre! Les réalités de chacun sont différentes, et il faut pouvoir trouver le juste milieu. À titre d’exemple, nous avons pu constater avec notre partenaire technologique que le rythme de travail pour nos deux organisations était très différent : pour nous qui travaillons en prévention du suicide, chaque mot, chaque décision doivent être pesés, alors que pour un partenaire technologique, un fonctionnement « agile » par itération avec une certaine marge d’erreur est tout à fait possible.


D’autre part, ce qui a sans contredit été un gage de succès pour le projet est le fait que notre partenaire s’est pleinement engagé envers la cause de la prévention du suicide, bien au-delà de la simple compréhension du mandat. Au final, cela nous a permis d’avoir un meilleur produit, parce que nous ne travaillions pas ensemble seulement comme client et fournisseur, mais bien comme partenaires profondément engagés dans la prévention du suicide.

 

Jérôme Gaudreault, directeur général de l’AQPS, a présenté, le 16 avril 2021, la conférence « Virage numérique dans un contexte OBNL : exigences internes et nécessaire collaboration avec les fournisseurs » dans le cadre de l’événement Initiatives numériques gouvernementales.

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Rédigé en tant que responsable de la programmation de l'événement Initiatives numériques gouvernementales de la Semaine numériQC.


 

 


dimanche 4 avril 2021

Les écoles ne sont pas fermées.

 

J'avais commencé à écrire un billet pour souligner la fin du 1 jour sur 2 à l'école. Je ne l'avais pas terminé, à peine commencer même. Je pense que, dans le fond de moi, quelque chose me disait que c'était prématuré, que le vent allait tourner dans l'autre sens.

Depuis le retour du congé des Fêtes, ça allait bien. On continuait notre routine. Ma fille s'était fait à l'idée que le « 1 jour sur 2 » allait continuer jusqu'à la fin de l'année scolaire. L'enseignement et les évaluations allaient bien, autant à distance qu'en présence. Je sais que je suis quand même privilégiée: milieu scolaire pro actif et progéniture qui réussit facilement et s'adapte à tout. 

Puis, il y a eu une lueur d'espoir. Même si ma fille me disait tout le temps: « c'est correct, je suis bien comme ça », quand je lui ai annoncé qu'elle allait retourner à l'école à temps plein avec tous les jeunes de 3e secondaire, j'ai vu son regard s'illuminer. 

Et à son retour, après la première journée avec tout le monde, elle m'a juste dit :« Ça fait du bien! ». J'ai senti que c'était comme une renaissance pour elle. 

En même temps, c'était une nouvelle routine à laquelle s'habituer. Il ne faut pas se le cacher, une journée en classe, c'est plus fatiguant qu'une journée d'école à la maison. Pour les jeunes, chaque période de transition est susceptible de créer une rupture. J'aurai aimé que les enseignants prennent le temps de demander: « Comment ça va? », « Qu'est-ce que ça vous fait de revenir à l'école à temps plein? », « Y a-t-il des choses que vous avez aimé de l'enseignement à distance qu'on devrait garder pour le reste de l'année? ». Honnêtement, je ne sais pas si ça a été fait, dans mon milieu ou dans les autres. 

Il y a longtemps qu'on devrait avoir compris que l'école, ce n'est pas juste courir pour supposément rattraper les retards et passer le programme, surtout depuis un an. L'école, c'est un lieu de vie et de bien-être, une bouffée d'air et l'espace de socialisation par excellence pour les jeunes. 

Quoi qu'il en soit, ce retour en classe à temps plein était synonyme d'espoir. Il y avait même le cheerleading qui était sur le point de recommencer, en groupe restreint, mais quand même. Je sais que le personnel de l'école travaillait fort pour rendre le tout possible. En plus, le printemps arrive, les journées allongent, on a rangé les vêtements d'hiver. Mes parents ont pris leur rendez-vous pour aller se faire vacciner. Ma fille s'est même trouvé un emploi dans un restaurant. La vie semblait plus douce.

Il y avait juste moi qui trouvait la maison bien vide, une journée sur deux, tellement habituée depuis 5 mois à avoir mon ado avec moi (Je sais, je suis un peu bizarre). 

Et puis, le ciel nous est encore tombé sur la tête. On s'est senti comme si on retournait à la case Départ d'un mauvais jeu de société. Paraît que c'est pour dix jours, mais... C'est un autre bouleversement pour les jeunes. Alors qu'ils suivront leurs cours en ligne cette semaine, ils ne pourront s'empêcher de se demander si ça va continuer comme ça dans les semaines à venir. Alors qu'ils sont dans le dernier droit de l'année scolaire, dans l'étape qui va compter le plus à la fin de l'année, ils ne seront pas pleinement concentrés.

Moi, je fais comme si tout allait bien. Je me dis que ce n'est pas grave si je dois rester à la maison, ne pas voir mes amis, limiter mes déplacements, etc. Je me dis que l'important, c'est que ma fille puisse avoir une vie un peu décente. Je ne commencerai surtout à pas à critiquer les annonces gouvernementales. 

Il y a juste une chose qui me dérange. De grâce, arrêtez de dire que les écoles ferment quand la situation devient critique. Les écoles ne ferment pas, elles basculent en enseignement à distance. Les écoles sont encore ouvertes. Les enseignants sont accessibles. L'enseignement se poursuit.

Tout est une question de mots et de perception. Ce n'est pas anodin. Fermeture, ça laisse croire qu'il n'y aura pas d'enseignement ou que c'est moins important. Ce n'est pas vrai. L'école continue. Le lien doit être maintenu et c'est essentiel pour les jeunes. L'éducation est une priorité.

Un an après le début de la pandémie, on n'a plus le droit de dire que les écoles ferment quand elles basculent vers l'enseignement à distance. C'est sûr que ce n'est pas pareil comme être physiquement en classe. Mais il ne devrait plus y avoir d'excuse. Tout devrait être en place pour poursuivre l'enseignement et maintenir le lien. Même pour un élève qui s'absente pour des raisons médicales, même lors d'une journée de tempête. Les écoles ne devraient jamais être fermées. Aux yeux des élèves, ça démontrerait toute l'importance qu'on accorde à l'éducation.

Je sais que je vois un peu la vie en rose en écrivant cela, mais disons que c'est mon monde idéal à moi.

Maintenant, les paris sont ouverts sur le retour en classe et sous quelles conditions. Je ne sais pas. Je ne sais plus. Au jour le jour. C'est comme si j'avais pris l'habitude de ne plus rien planifier. On verra. Demain est un autre jour. Je sais qu'on trouvera le moyen de passer au travers de tout ça, seul, ensemble et  collectivement. 

Pour les parents qui se sentent un peu dépassés par les événements, j'ai produit un numéro spécial du magazine École branchée avec une fabuleuse équipe. Il est gratuit en format numérique. Avec ce magazine, je voulais surtout rappeler qu'il faut prendre soin de soi avant toute chose. 

En ce moment, le bien-être est plus important que le reste. 

On garde espoir! 


Crédit photo: Geoffroy Delobel, Unsplash