mardi 2 février 2021

Les médias pourraient faire partie de la solution

 


Les médias du Québec sont « en train de perdre pied. Le lien qui les rattache à leur société s'effiloche ». Ce n'est pas moi qui le dit. C'est Marie-France Bazzo qui l'écrit dans un essai plus que pertinent qui vient d'être publié chez Boréal.

Quand elle parle des médias, Mme Bazzo le fait au sens large et ne se limite pas uniquement à leur fonction d'information. D'ailleurs, elle reproche à la télé de chercher presque uniquement à nous faire garder le moral avec légèreté, sans chercher à alimenter les débats et à élever les discussions.

Dans l'essai, « Nous méritons mieux, Repenser les médias au Québec », l'animatrice et productrice jette un regard dur mais juste sur les médias québécois. Complaisance, conservatisme, peur des débats, emploi de l'humour pour éviter les réels discussions, nivellement vers le bas, polarisation des positions, non-représentativité.... les médias ne sont plus ancrés dans leur époque alors que leurs publics s'étiolent. (Ce n'est pas uniquement le propre des médias québécois, dirons-nous, mais regardons d'abord dans notre cour.)

Mais, en fait, les médias ne sont même pas ancrés dans leur territoire alors qu'ils oublient (ou ignorent volontairement ou involontairement) des portions de notre histoire qui pourraient aider à contextualiser certaines informations. Et ils se limitent souvent à présenter la métropole et ses environs. Les régions étant généralement mises de côté. Et pourtant... habiter le territoire, n'est-ce pas quelque chose qu'on a entendu souvent au Québec... On n'y est visiblement pas encore. 

Je cite ce passage avec lequel je suis particulièrement d'accord: « Plus que jamais, nous avons besoin de balises, de profondeur de champ, de temps de digestion des événements, et on nous donne à la place du bruit et de la fureur. Nous assistons à un net recul de la pensée critique, à ne pas confondre avec la surabondance des opinions. La pensée critique n'a rien à foutre de l'opinion. Elle se base sur les faits. Elle ne jaillit pas au milieu de commentaires unanimes. Elle requiert du recul, des discussions nourries d'arguments solides et diversifiés, de culture et d'expérience... »

Bref, en ce moment, beaucoup d'opinions sont publiés un peu partout, mais on retrouve peu de mise en relief, d'analyses, qui permettraient de faire du sens dans « ce bruit ambiant ».

De plus, « on se prive de beaucoup en ayant peur de débattre. Le débat est essentiel pour asseoir une démocratie. [...] Une société qui en a peur témoigne de sa frilosité. »

Donc, puisqu'on ne veut pas débattre (pour toutes sortes de raison bonnes et moins bonnes), on se change les idées avec des émissions à saveur humoristique...

Tout ceci n'est probablement pas étranger au fait que l'art rhétorique, le développement de l'esprit critique sont trop peu (voire absents) de nos écoles. Mme Bazzo y fait mention et j'y crois également.

Mais surtout elle marque un point en écrivant: « On pourrait [...] défricher des pistes de solution plutôt que de se lamenter tous sur le même ton ». Effectivement, les médias se font fatalistes et rapporteurs d'info, mais on ne peut pas dire qu'ils soient en mode solution pour regarder devant et proposer de nouvelles avenues collectives.

Cela me ramène à un texte publié récemment par mon ami Clément, justement au sujet des médias: « Tout a l'air d'être devenu grave, irréversible ou catastrophique ». Je me suis beaucoup reconnue dans son texte.

Il écrit: « J’aimerais voir à la une des journaux des textes nuancés. Des textes qui engagent les lecteurs au lieu de leur faire baisser les bras. Des textes qui donnent envie de poser des gestes, au lieu de se dire que ça ne sert à rien. Des textes qui font des lecteurs des acteurs sociaux à part entière au lieu d’en faire des spectateurs-commentateurs des décisions prises par d’autres ».

J'ai déjà écrit que j'avais mal à mon diplôme (étant diplômée de journalisme). Il y a 5 ans déjà et ça n'a pas changé, mais je garde espoir que de nouvelles formes de journalisme, de divertissement prendront forme et seront un peu plus synonyme d'ouverture, de réflexion et porteur de solutions. Je me dis que de nouvelles voix pourront s'élever, même si elles n'auront jamais aussi d'impact que les médias de masse. Je sais qu'il est possible de faire du journalisme positif, car c'est ce que nous faisons à l'École branchée.

Personnellement, ce que je déplore le plus des médias québécois, c'est:

  • De verser dans la nouvelle éphémère: La nouvelle d'aujourd'hui sera vite oubliée demain et on n'aura plus jamais de suivi alors que cela pourrait être pertinent.
  • De manquer de profondeur: En étant dans l'éphémère, on ne creuse pas les nouvelles, on ne met pas en contexte, en perspective. Il y a tellement de nuances et d'angles différents pour chaque nouvelle.
  • De ne pas être représentatif: Je suis une fille de région et je défendrai toujours le droit des régions d'être visibles, d'exister pour vrai dans les médias. Ce n'est pas le cas présentement.
Et puis, comme d'autres, je m'éloigne des médias, lentement mais sûrement. Je m'informe de moins en moins. Je ne suis plus capable du catastrophisme, du superficiel... Avant, je ne pouvais manquer le bulletin de nouvelles de 18h. Maintenant, je vais prendre une marche après avoir entendu les grands titres du jour.

En ce moment, tout invite à faire autrement, à regarder vers l'avenir avec un regard nouveau, les médias devraient s'y mettent aussi.

Ressource en prime pour les éducateurs:
Former à s’informer : développer l’esprit critique ! Comment éduquer et accompagner les adolescents et les jeunes adultes dans l’univers médiatique contemporain pour les aider à grandir ?

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