Le Québec fait face à de nombreux défis. Il faut transformer, optimiser, améliorer, accroître, et ce dans plusieurs domaines. Par contre, lorsque je regarde le budget dévoilé récemment et le discours qui l'accompagne, je ne découvre absolument rien qui me laisse entrevoir des changements, des façons de faire différentes qui pourraient conduire à de nouveaux résultats.
Ce n'est pas en remettant constamment de l'argent supplémentaire dans des programmes que l'on arrivera à des résultats différents. Ce n'est pas en reproduisant constamment les « bonnes vieilles méthodes » qu'on pourra relever les défis d'aujourd'hui et de demain.
Prenons l'éducation par exemple. Sans surprise, puisque c'est un domaine que je connais très bien. Et ça tombe bien, il s'agit d'une des deux priorités énoncées par le gouvernement.
Un budget, ça ne dit pas tout d'une vision et d'une stratégie, c'est vrai. Mais je m'attarderai davantage au choix des mots, qui témoignent bien d'une forme d'immobilisme.
La priorité 2. se lit comme suit : « Favoriser la réussite éducative des jeunes ». Dans ce chapitre, il est abondamment question du « plan de rattrapage » pour « reprendre [...] le retard accumulé ».
La priorité 3. se lit comme suit : « Promouvoir la réussite aux études supérieures ». La première phrase de ce chapitre est la suivante : « La diplomation aux études supérieures constitue un levier essentiel pour contrer la rareté de main-d’œuvre et favoriser le développement socioéconomique du Québec ». Plus loin, on peut aussi lire que l'on souhaite « Favoriser la diplomation pour la transition énergétique et d’autres domaines prioritaires ».
On comprend donc que la réussite éducative implique l'obtention d'un diplôme.
Pourquoi ne pas parler de réussite scolaire dans ce cas? Ça m'agace toujours un peu quand je vois réussite éducative (et pas seulement dans le budget). Dans le fond, on cherche à diplômer des jeunes. Lorsqu'ils décrochent, on parle de décrochage scolaire, mais quand ils obtiennent leur diplôme, on parle de réussite éducative, alors que c'est une réussite scolaire, académique. Ce n'est pas parce que quelqu'un n'a pas de diplôme qu'il n'a pas eu d'éducation et donc que son éducation n'a pas été réussie.
Bref, on continue de promouvoir un seul et même chemin pour tous. Sans diplôme, point de salut. Pourtant, on sait bien que le « plafond de papier » s'effrite de plus en plus.
De plus, les statistiques montrent que de plus en plus de jeunes quittent l'école secondaire sans diplôme. Les taux de « décrochage » sont aussi élevés aux niveaux collégial et universitaire. Que faisons-nous pour transformer l'école et y intéresser les jeunes? Il faudra un jour se mettre en action pour revoir les programmes, les méthodes, l'évaluation (ce sujet pourrait faire l'objet d'un autre billet entier!).
Ensuite, si on ne peut nier que « la diplomation aux études supérieures constitue un levier essentiel pour contrer la rareté de main-d’œuvre », il y a certainement d'autres avenues pour répondre aux besoins croissants, complexes et urgents du marché de travail, surtout dans un monde qui change rapidement et constamment (inutile de dire que les programmes scolaires ne changent pas rapidement et constamment).
Pourquoi ne pas évoquer le nécessaire apprentissage tout au long de la vie, la formation continue, la requalification, le développement professionnel, l'acquisition de compétences à travers des activités formatrices diversifiées et engageantes? Pourquoi ne pas ouvrir la porte à la reconnaissance de parcours alternatifs?
Pourquoi ne pas s'intéresser à d'autres manières de reconnaître les compétences? La microcertification avec des badges numériques gagne en popularité. Y aurait-il lieu de créer des certifications ou des attestations différentes qui ne passent pas par le « chemin officiel »? Pour augmenter le nombre de travailleurs qualifiés dans certains domaines. Pour accélérer la reconnaissance des compétences acquises hors du cadre scolaire habituel. Pour « rattraper » ceux qui sont sortis de l'école sans papier, mais qui ont développés des compétences.
La pluralité des trajectoires est un fait. Pourquoi ne pas créer davantage de passerelles entre les parcours empruntés par les individus. Au final, l'important ne devrait-il pas être que tous puissent se développer professionnellement et humainement, peu importe le chemin emprunté, et que tous puissent être reconnus à leur juste valeur?
On sait déjà, depuis des décennies, que les murs de l'éducation traditionnelle s'effondrent. Le trajet uniforme avec diplôme officiel à la sortie n'est plus la seule voie depuis longtemps, mais on tarde à le reconnaître. Avec les mots employés dans le budget 2024, on persiste et signe, encore!
Il me semble que si l'on veut transformer, optimiser, améliorer, accroître, il faut regarder en dehors de la boîte. On a fait le tour de la boîte depuis longtemps!
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« Le taux de sorties sans diplôme ni qualification est en hausse un peu partout au Québec. Dans certaines régions, c'est un élève sur cinq qui quitte l'école sans aucune qualification. » (Félix Lajoie (18 mars 2024). Le Soleil)
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