J'ai publié cette image hier sur les réseaux sociaux, en référence à cet article du Journal de Québec. Souvent, je me garde une petite gêne, mais là, je n'en pouvais plus. Je reviens d'un colloque où j'ai justement abordé l'intégration de l'intelligence artificielle en éducation dans une conférence.
La nouveauté, le changement a toujours fait peur dans le milieu scolaire (et aussi dans d'autres milieux, mais parlons de celui-ci). C'est toujours plus simple de prôner le statu quo que de sortir de sa zone de confort. Pourtant, dans le monde d'aujourd'hui, la seule constance est... le changement.
Le monde change, les étudiants ont changé, les technologies se développent à une vitesse fulgurante, les contextes sociaux et économiques bougent continuellement. Pendant ce temps, les institutions d'enseignement semblent figées dans le passé. Oui, certaines pratiques ont changé (beaucoup au primaire et au secondaire), mais pas aussi vite qu'elles le devraient.
Est-ce qu'on est encore capable de faire vivre des réussites aux jeunes pour les motiver à rester en classe? Est-ce qu'on est capable de s'intéresser (vraiment) à ce que vivent les jeunes pour qu'ils développent un sentiment d'appartenance fort? Est-ce qu'on est capable d'apprendre d'eux plutôt que de les critiquer?
Est-ce qu'on est capable de leur donner les clés pour qu'ils comprennent mieux le monde dans lequel ils vivent? Pour qu'ils puissent devenir des acteurs proactifs de ce monde.
Mais revenons à nos professeurs de cégep.
Ils trouvent que « ça demande énormément de temps » de prouver qu'un étudiant a plagié avec l'intelligence artificielle… (soupir!)
Il me semble qu'au lieu de faire la chasse aux tricheurs, il y a urgence de :
- revoir les pratiques d'enseignement et d'évaluation,
- former les professeurs ET les étudiants à l'usage de l'intelligence artificielle à valeur ajoutée (pas pour faire des starter pack là!)
Les enjeux de littératie numérique prennent de l'ampleur. Le monde se déploie par le numérique aujourd'hui. Le monde est numérique. Mais, que fait-on à chaque fois qu'une nouvelle technologie arrive? On bloque. Internet, Google, Wikipédia… même combat. « Non, mais cette fois, c'est différent! » Alors, on fait la chasse aux tricheurs! Et puis, le temps passe et on se fait une raison. On passe par toutes les étapes de la courbe du deuil de Kübler-Ross : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l'acceptation.
Est-ce qu'on peut passer plus rapidement à l'acceptation avec l'IA? Ne serait-ce pas plutôt l'occasion de faire des apprentissages, ensemble? D'explorer les nouvelles possibilités? D'aborder les tâches autrement?
À quoi les professeurs veulent consacrer leur temps? Développer des techniques pour faire avouer aux étudiants qu'ils ont triché? Dénicher le meilleur détecteur d'IA (qui sont inefficaces de toute façon)?
Ou ouvrir la discussion avec leurs étudiants? S'intéresser aux pratiques efficaces? Créer des situations d'apprentissage actuelles et utiles?
Oui, c'est énorme ce qui se passe avec l'IA. Mais, l'IA ne disparaîtra pas. Elle fait déjà partie de notre quotidien. Saisissons le moment pour collaborer et accélérer le développement de certaines compétences pour tous, le jugement critique en premier.
Il y a peut-être une crise en ce moment dans certains établissements d'enseignement. Elle existe parce qu'on n'a pas été assez rapide pour passer en mode acceptation et proactivité face aux technologies précédentes. Ne cédons pas à la panique. Ne refaisons pas les mêmes erreurs. Acceptons qu'il faudra changer pour demeurer pertinent et mettons-nous en action pour s'adapter.
Et puis, n'oublions pas l'effet pervers de la chasse aux tricheurs : de plus en plus d'étudiants ont peur de se faire accuser de plagiat sans raison. Qu'est-ce qu'ils font dans ce temps-là? Ils ne donnent pas le meilleur d'eux-mêmes. Ils vont laisser des fautes, négliger de se relire, remettre des travaux bâclés qui auront l'air juste assez imparfaits pour avoir été produits par un humain. Je l'ai entendu dans ma propre maison. Est-ce que c'est vraiment ce genre de comportement que l'on veut voir les jeunes développer? Il y aura toujours des tricheurs, mais les étudiants qui donnent le meilleur d'eux-mêmes doivent pouvoir le faire en toute tranquillité d'esprit.