samedi 12 avril 2025

La police de l'IA entre dans les écoles



J'ai publié cette image hier sur les réseaux sociaux, en référence à cet article du Journal de Québec. Souvent, je me garde une petite gêne, mais là, je n'en pouvais plus. Je reviens d'un colloque où j'ai justement abordé l'intégration de l'intelligence artificielle en éducation dans une conférence.

La nouveauté, le changement a toujours fait peur dans le milieu scolaire (et aussi dans d'autres milieux, mais parlons de celui-ci). C'est toujours plus simple de prôner le statu quo que de sortir de sa zone de confort. Pourtant, dans le monde d'aujourd'hui, la seule constance est... le changement. 

Le monde change, les étudiants ont changé, les technologies se développent à une vitesse fulgurante, les contextes sociaux et économiques bougent continuellement. Pendant ce temps, les institutions d'enseignement semblent figées dans le passé. Oui, certaines pratiques ont changé (beaucoup au primaire et au secondaire), mais pas aussi vite qu'elles le devraient. 

Est-ce qu'on est encore capable de faire vivre des réussites aux jeunes pour les motiver à rester en classe? Est-ce qu'on est capable de s'intéresser (vraiment) à ce que vivent les jeunes pour qu'ils développent un sentiment d'appartenance fort? Est-ce qu'on est capable d'apprendre d'eux plutôt que de les critiquer?
Est-ce qu'on est capable de leur donner les clés pour qu'ils comprennent mieux le monde dans lequel ils vivent? Pour qu'ils puissent devenir des acteurs proactifs de ce monde.

Mais revenons à nos professeurs de cégep.

Ils trouvent que « ça demande énormément de temps » de prouver qu'un étudiant a plagié avec l'intelligence artificielle… (soupir!)

Il me semble qu'au lieu de faire la chasse aux tricheurs, il y a urgence de :

- revoir les pratiques d'enseignement et d'évaluation,

- former les professeurs ET les étudiants à l'usage de l'intelligence artificielle à valeur ajoutée (pas pour faire des starter pack là!)

Les enjeux de littératie numérique prennent de l'ampleur. Le monde se déploie par le numérique aujourd'hui. Le monde est numérique. Mais, que fait-on à chaque fois qu'une nouvelle technologie arrive? On bloque. Internet, Google, Wikipédia… même combat. « Non, mais cette fois, c'est différent! » Alors, on fait la chasse aux tricheurs! Et puis, le temps passe et on se fait une raison. On passe par toutes les étapes de la courbe du deuil de Kübler-Ross : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l'acceptation.

Est-ce qu'on peut passer plus rapidement à l'acceptation avec l'IA? Ne serait-ce pas plutôt l'occasion de faire des apprentissages, ensemble? D'explorer les nouvelles possibilités? D'aborder les tâches autrement?

À quoi les professeurs veulent consacrer leur temps? Développer des techniques pour faire avouer aux étudiants qu'ils ont triché? Dénicher le meilleur détecteur d'IA (qui sont inefficaces de toute façon)?

Ou ouvrir la discussion avec leurs étudiants? S'intéresser aux pratiques efficaces? Créer des situations d'apprentissage actuelles et utiles? 

Oui, c'est énorme ce qui se passe avec l'IA. Mais, l'IA ne disparaîtra pas. Elle fait déjà partie de notre quotidien. Saisissons le moment pour collaborer et accélérer le développement de certaines compétences pour tous, le jugement critique en premier. 

Il y a peut-être une crise en ce moment dans certains établissements d'enseignement. Elle existe parce qu'on n'a pas été assez rapide pour passer en mode acceptation et proactivité face aux technologies précédentes. Ne cédons pas à la panique. Ne refaisons pas les mêmes erreurs. Acceptons qu'il faudra changer pour demeurer pertinent et mettons-nous en action pour s'adapter.

Et puis, n'oublions pas l'effet pervers de la chasse aux tricheurs : de plus en plus d'étudiants ont peur de se faire accuser de plagiat sans raison. Qu'est-ce qu'ils font dans ce temps-là? Ils ne donnent pas le meilleur d'eux-mêmes. Ils vont laisser des fautes, négliger de se relire, remettre des travaux bâclés qui auront l'air juste assez imparfaits pour avoir été produits par un humain. Je l'ai entendu dans ma propre maison. Est-ce que c'est vraiment ce genre de comportement que l'on veut voir les jeunes développer? Il y aura toujours des tricheurs, mais les étudiants qui donnent le meilleur d'eux-mêmes doivent pouvoir le faire en toute tranquillité d'esprit.




lundi 27 janvier 2025

Oui, il faut résister

 


Il faut résister. J'ai envie de rebondir sur ce court texte (mais oh combien pertinent et nécessaire) de Clément Laberge, publié cette fin de semaine...  parce que j'avais essentiellement le même état d'esprit que lui la semaine dernière.

Alors que tout nous pousse à voir le noir et à imaginer des catastrophes, on ne peut pas se laisser emporter par la vague. On ne doit surtout pas garder notre regard fixé sur le laid et sur ce qui va mal en ce moment. On peut le regarder du coin de l'œil, mais certainement pas y accorder toute notre attention. Autrement, on perdra de vue l'espoir et le beau. On perdra de vue l'essentiel sur lequel on devrait se concentrer. 

Il faut continuer d'avancer vers le monde que l'on rêve de créer, même si une ombre nous suit sur le côté et d'autres de derrière. Il faut continuer d'imaginer un futur qui sera beau. Il faut continuer de bâtir des projets rassembleurs et innovants, même si on sait que ce ne sera pas facile (j'en sais quelque chose!). Le monde ne peut pas être que désastres économiques, politiques, environnementaux et sociaux.

Autrement, comment garder espoir?

Je me disais ça en voyant plusieurs personnes quitter Facebook dans les dernières semaines. Personnellement, je n'ai pas envie de quitter cette plateforme. Parce que malgré les algorithmes et son propriétaire, j'ai réussi à y cultiver des bouts de vie qui valent la peine d'être partagé à cet endroit. À travers le petit groupe de personnes qui participent à l'exercice des obsessions du moment, je trouve qu'on crée quelque chose de bienveillant en ce moment. On ne pourrait pas recréer cela ailleurs. 

C'est aussi parce que je crois qu'il vaut mieux occuper l'espace plutôt que de laisser à d'autres le soin de les envahir. Autrement, tout partira à la dérive. Créer le beau. Forçons la résilience des plateformes et la nôtre en même temps!

J'avais déjà envie d'écrire sur la résistance. Sur l'espoir qu'il faut entretenir, pour nous et pour nos enfants. 

Ce matin, en ouvrant mon cellulaire, je suis tombée sur ce texte absolument merveilleux et bouleversant : Les derniers témoins des camps de la mort, jusqu'au bout contre l'oubli. Au moment où on souligne les 80 ans de la libération d'Auschwitz et dans la mouvance mondiale actuelle, le message de ces « derniers témoins » est plus pertinent que jamais. Ne fermons pas les yeux sur le passé. Transmettons ce passé pour qu'il ne soit pas oublié. 

J'ai moi-même visité un camp de concentration en 1996. Je m'en souviens encore. L'ambiance brumeuse de cette journée. Le silence. Le besoin de recueillement. Pour ceux qui n'ont pas vu, pas entendu parler de ces camps, ils peuvent sembler surréalistes. 

Dans l'article, la petite-fille d'une survivante demande : Quand il n'y aura plus de témoins, est-ce qu'on croira encore à ce qu'ils ont raconté? Moi, je dis qu'il faut tout faire pour ne jamais oublier.

Et c'est pourquoi nous avons un devoir de mémoire. C'est avec la mémoire que la résistance devient encore plus forte. En apprenant du passé, il est possible de regarder vers l'avenir.

Oui, il faut résister. C'est plus important que jamais d'imaginer un monde meilleur et de poser des actions pour qu'il devienne réalité. 


*Photo prise en 1996 lors d'une visite au camp de concentration de Natzweiler-Struthof (Alsace).



mardi 7 janvier 2025

2024 - L'heure du bilan

 


Depuis juillet dernier, je me suis fait discrète sur ce blogue. Pendant une bonne partie de l'année, j'ai été paralysée par les émotions que je vivais. J'avais besoin de temps pour absorber tout ce qui se passait dans ma vie. Je n'étais pas capable d'écrire vraiment, sauf les obsessions du moment qui ont servi à la fois de thérapie et de carnet de notes pour garder des traces. 

Avec l'arrivée de la nouvelle année, je me devais quand même de me poser et de faire le bilan. La dernière fois que j'ai écrit, j'ai dit « Nous aurons besoin de temps pour panser nos blessures ». Et c'est ce qui s'est passé. Pour moi, la première. Pour tous ceux qui ont été impliqués dans la tempête « Québec numérique » aussi.

2023 m'avait laissé un goût amer. 2024 a été un véritable tsunami. Il y a eu la tempête « Québec numérique ». Tout ce qui s'est déroulé en coulisse avant la sortie publique. Et le après... J'ai eu l'impression que tout le temps, la passion et les efforts que j'avais mis depuis 6 ans dans ce projet s'écroulaient. Ce fût la fin de mon plus grand accomplissement en carrière.

Il y avait, en même temps, des tempêtes dans ma vie personnelle, des deuils à faire et des choses à accepter. Ce fût, entre autres, la fin d'une relation qui m'avait tellement nourrie et beaucoup appris aussi. 

Tout s'écroulait pour des raisons hors de mon contrôle. J'ai perdu l'appétit, j'ai vécu de nombreuses nuits blanches, j'ai pleuré comme jamais je n'avais pleuré avant. À travers tout ça, je tentais de garder le cap.

Avec les résidus de 2023, la première moitié de l'année 2024 m'a littéralement achevé. J'étais sur le pilote automatique, en mode survie. Avec le recul, je me rends compte que j'étais vraiment épuisée et que le stress avait des conséquences très néfastes sur ma santé. Mais j'ai avancé, comme toujours, parce qu'il le fallait, parce que la vie ne se déroule pas toujours comme prévu. Dans tous les cas, il faut faire face. Je n'allais surtout pas me défiler.

Mais, à un moment donné, ç'a été assez. J'ai dû me rendre à l'évidence. J'ai simplement accepté de lâcher-prise pour assurer ma santé mentale et physique. Il me fallait faire une coupure et repartir en neuf.

C'est ainsi que, pendant la deuxième moitié de l'année, je me suis reconstruit. J'ai pris du temps pour moi, pour faire le vide dans ma tête. J'avais besoin de beau, de nature, du fleuve et de la mer. J'avais besoin de simplicité et de tranquillité. J'avais déjà commencé à me recentrer sur le positif, j'ai continué, encore plus fort. Exit les énergies négatives pour de bon! J'ai passé beaucoup de temps à réfléchir, à lire, à retrouver qui je suis vraiment, à guérir. C'est ce qui m'a permis de revivre. 

Après des années à me demander comment réussir à ralentir, j'ai (enfin) réussi à le faire pour vrai dans la deuxième moitié de l'année. J'ai revu mes priorités, j'ai appris à dire non plus souvent. Pour la première fois depuis (depuis toujours?), j'ai arrêté de travailler la fin de semaine. Et ça fait tellement de bien! 

Et du beau, il y en a eu en 2024. De plus en plus, au fur et à mesure que l'année avançait. Il y a eu une superbe semaine au Mexique avec ma fille. Il y a eu la Gaspésie en été comme toujours. Il y a eu des amis extraordinaires qui m'ont écoutée et soutenue quand je n'allais pas bien. Il y a eu les incroyables membres du conseil d'administration de Québec numérique qui n'ont pas laissé tomber alors qu'ils auraient pu le faire. Et les employés de Québec numérique, que dire de ces humains tellement vrais et engagés! Il y a eu mes parents, toujours présents, et ma fille, avec la complicité qui nous unit et ses péripéties de cégepienne. Il y a eu cette merveilleuse famille venue de France qui est arrivée juste au bon moment dans ma vie. Il y a eu cet homme qui me redonne espoir qu'une relation peut être non toxique, belle, simple et durable. Il y a eu un séjour travail-plaisir en France et en Belgique avec mes complices Audrey et Stéphanie. Quand je suis revenue d'Europe, c'est là que j'ai su que le vent avait tourné. La coupure avait été faite. 

Aujourd'hui, je regarde en arrière. Malgré toutes les tempêtes des deux dernières années, je suis convaincue que j'ai fait ce qu'il fallait faire. Si c'était à recommencer, j'agirais de la même façon. Exactement. Dans toutes les situations que j'ai vécues, je suis allée au bout de ce que je pouvais faire. Le reste ne dépendait pas de moi. Chaque geste que j'ai posé, je le reposerai. Je n'ai aucun regret. C'est toujours comme ça que j'ai vécu ma vie : en prenant des décisions selon mes convictions. Je continuerai de le faire.

Aujourd'hui, je regarde devant et je vois encore plus de beau. Je me sens sereine et confiante. J'ai de nouveaux projets en tête, signe que je vais mieux. J'ai aussi le désir de maintenir un rythme de vie plus lent, plus sain, d'avancer dans la bienveillance envers moi-même et surtout de demeurer fidèle à mes valeurs, comme toujours. 

2025 sera une belle année. Je me le souhaite et je vous le souhaite aussi.