mardi 4 juin 2024

Pour un Cadre national de qualifications au Québec


Le Conseil supérieur de l’éducation du Québec (CSÉ) a récemment publié un rapport intitulé « Un cadre national de qualification pour reconnaître, comparer et soutenir le développement des compétences au Québec ». Un excellent résumé est disponible ici sur le site du Collimateur – Veille pédagonumérique de l'Université du Québec à Montréal.


Le document met de l’avant l’importance de développer une vision globale de la formation continue au Québec. Ainsi, les compétences acquises en dehors de la formation initiale pourraient être mieux reconnues. Cela représente certainement la voie pour enfin valoriser l’apprentissage tout au long de la vie. 


Actuellement, le système de formation est très fragmenté. Il existe une multitude de programmes et de formations offerts dans tous les secteurs, par différents acteurs. Plusieurs activités de formation continue ne sont pas reconnues de manière officielle par le secteur académique ou le ministère de l’Éducation. Elles ne donnent donc pas toujours d’avantages tangibles à ceux qui les complètent. 


Ainsi, le développement de nouvelles compétences est souvent perçu comme une activité individuelle et non pas comme une possibilité de contribuer à l’amélioration des milieux de travail. La reconnaissance de ces compétences est aléatoire d’un milieu à un autre et parfois, elle est tout simplement inexistante. Les personnes qui complètent des programmes non reconnus n’ont même pas accès à certains types d’emploi, notamment dans la fonction publique. 


Dans ce rapport, le CSÉ amène l’idée de structurer et d’organiser le système de formation des adultes afin d’obtenir une meilleure connaissance de tous les types de formation continue existant au Québec. Cela permettrait de classer et de comparer les formations, facilitant la compréhension de la réelle valeur de chacune. 


Cela permettrait de leur accorder une forme de certification (peu importe le nom qu’on donnera à cette reconnaissance) que les personnes pourraient ensuite utiliser pour témoigner des compétences acquises (et qui sortirait de la reconnaissance des acquis tel qu’elle est pour le moment vécue au Québec). Bien que le plafond de papier s’effrite, il est encore solide dans certains milieux et demeurera nécessaire d’en d’autres.


En ce moment, hors du système traditionnel de formation, point de salut, je l’ai déjà mentionné à quelques reprises. Ai-je besoin encore de mentionner la pertinence de formation dans le secteur du numérique comme 42 Québec? Je pourrai même ajouter d'autres exemples comme l’incubateur numérique de CyberCap, le Wagon et Lighthouse Labs. Ces initiatives (gratuites ou payantes) démontrent que les parcours alternatifs peuvent non seulement exister, mais également donner des résultats positifs. 


Toutes ont en commun qu’elles ne donnent pas de diplôme officiel du ministère de l’Éducation, mais qu’elles ont une valeur reconnue par certains employeurs (mais pas tous) du domaine numérique. Toutes les personnes qui suivent ces formations mériteraient de faire reconnaître leurs compétences acquises au terme de celles-ci afin de faciliter leur insertion au marché du travail. Par exemple, en France, les finissants de 42 ont droit à une certification professionnelle reconnue (RCNP 36137 ou RCNP 36135). Les Québécois suivant la même formation n’ont droit à rien.


La mise en place d’un Cadre national de qualifications devient non seulement nécessaire, mais urgente pour faire face aux défis actuels de l’éducation et du marché du travail. Cela représenterait un premier pas, une ouverture (enfin!) vers l’acceptation de la diversité des parcours de formation et surtout de la diversité des apprenants. Actuellement, les personnes qui ne répondent pas aux attentes du système sont tout simplement mises de côté. Comme société, avons-nous le luxe de nous priver du potentiel de ces personnes? Un gouvernement peut-il encore dicter LA façon d’apprendre, LE chemin à suivre? 


De plus, même avec un premier diplôme officiel en poche, les personnes qui poursuivent des activités de formation continue ne voient pas toujours celles-ci reconnues lorsqu’elles sont réalisées en dehors du cadre académique traditionnel. Le système éducatif québécois n’a plus le monopole de la formation depuis longtemps, mais le gouvernement refuse toujours d’admettre que d’autres types de formation fonctionnent et permettent aux personnes qui les suivent de progresser dans le développement de leurs compétences.


Cela a déjà été mentionné sur la place publique à de nombreuses reprises. Pourtant, le gouvernement du Québec tarde toujours à ouvrir la porte à la reconnaissance des formations alternatives, alors même qu’elles répondent aux besoins actuels du marché du travail en accélérant le perfectionnement, la requalification, la mise à niveau des travailleurs; alors même qu’elles permettent une inclusion plus large des individus au marché du travail.


En adoptant un cadre national de qualifications, nous pourrions non seulement améliorer la transparence et la compréhension des formations offertes aux adultes, mais aussi favoriser une plus grande mobilité des travailleurs et des apprenants adultes. Cela permettrait à tous de naviguer plus aisément entre les différentes offres de formation, rendant la formation continue et la reconversion professionnelle plus accessibles et certainement plus attrayantes, puisqu’elle serait reconnue à sa juste valeur.


Le CSÉ propose de créer une nouvelle entité, avec une gouvernance multipartite, pour piloter le développement et la pérennité du cadre, de même que pour « intensifier la reconnaissance des acquis et des compétences à tous les niveaux ». Personnellement, je suis d’avis que l’expertise existe déjà au sein de la Commission des partenaires du marché de travail (CPMT) et de ses comités sectoriels de main-d’oeuvre (CSMO). La CPMT regroupe déjà des acteurs des secteurs académiques et de l’emploi, elle a déjà élaboré un cadre des compétences du futur, ses comités sectoriels offrent déjà de la formation continue ou sont au fait des besoins et de l’offre dans leur domaine d’activité. Cependant, il faudra que les membres de la CPMT accepte de faire table rase sur la tradition, qu’ils acceptent que l’innovation est devenue incontournable.


Il est temps que le Québec rejoigne les rangs des 150 pays qui ont déjà adopté ou sont en train de développer un cadre de qualifications. Nous devons cesser de discourir sur le sujet et se mettre en action pour valoriser véritablement les compétences et les acquis de chacun, peu importe le chemin emprunté pour les obtenir. En tant que société moderne qui désire faire face aux enjeux actuels, nous devons reconnaître toutes les voies d’apprentissage.


Les ministres de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur sont les destinataires de l’avis publié par le Conseil supérieur de l’éducation. Entendront-ils le message? Je l’espère. J'espère surtout que l’apprentissage tout au long de la vie sera bientôt véritablement valorisé dans notre province. 


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L'avis propose sept recommandations qui s’inscrivent sous trois grandes orientations: 
  1. Doter le Québec d’un outil structurant pour favoriser la comparaison et la lisibilité des qualifications.
  1. Mettre en place les conditions assurant l’adhésion, la validité, la pérennité et l’efficience du cadre national de qualification.
  1. Intensifier et élargir le déploiement de la reconnaissance des acquis et des compétences à tous les niveaux


Image : Générée sur Ideogram.ia

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