vendredi 25 février 2011

Des TBI et des ordis… et puis?

Cette semaine, le premier ministre du Québec, Jean Charest, en a surpris plus d’un lors de son discours inaugural à l’Assemblée nationale… en parlant d’éducation et de technologie! Il y a des années que je suis l’actualité en éducation et technologie au Québec pour le travail, d’abord, puis parce que ce thème me tient à cœur, ensuite. Il y a des années que j’attendais une annonce de ce type de la part du gouvernement du Québec… mais je reste sur mon appétit.

Que les écoles arrivent à l’ère du XXIe siècle, voilà bien un vœu pieu. Jean Charest a annoncé la venue d’un tableau blanc intelligent (oups… interactif) (TBI) dans chaque classe et l’attribution d’un ordinateur par enseignant. Bravo! Personne ne peut être contre le principe. « Équipons les écoles de matériel technologique! »

Coût de la dépense, estimée par les gens du Canal Argent : 160 millions $.

Depuis quelques années, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport met déjà à la disposition des écoles 30 millions $ par année pour l’achat de matériel informatique.

L’équipement admissible dans le cadre de cette mesure comprend :
- les micro-ordinateurs;
- les systèmes d’exploitation;
- les logiciels de base intégrés, les logiciels éducatifs et les adaptations requises pour les élèves handicapés;
- le matériel périphérique (tableaux blancs interactifs, projecteurs, webcaméras, etc.).
L’équipement doit être destiné à être utilisé par les élèves ou par les enseignants.

Si l’on comprend bien l’annonce de M. Charest (un TBI par classe et un ordinateur par enseignant d’ici cinq ans), l’argent disponible demeurera sensiblement le même (30 x 5 = 150), mais le ministère pourrait imposer que l’argent soit dépensé pour des ordinateurs et des TBI. Bon, je m’avance un peu en écrivant cela, mais jusqu’à preuve du contraire, M. Charest n’a fait aucune mention de la façon dont serait financé son annonce.

Où sont la formation et le contenu?
Donc, voilà, il poursuit l’arrivée de la technologie dans les écoles et lui donnant une orientation. Oui, et après? Cela restera encore du matériel. L’accompagnement des enseignants qui devront apprivoiser ces technologies (ce n’est pas parce qu’on est en 2011 que tout le monde est accro aux technologies) et la contenu pédagogique qui pourra bonifier l’utilisation des TBI (le manuel scolaire imprimé a encore la cote dans les écoles) ne tomberont pas du ciel comme par magie…. Et déjà ils font cruellement défaut.

Oui, la mesure pourra inciter certains enseignants peu enclins à utiliser la technologie à renouveler leur enseignement et à adopter les technologies comme outil pédagogique. Mais combien d’autres ne le feront pas? Je connais déjà trop d’écoles où les TBI sont sous-utilisés et d'autres où ils sont utilisés comme des tableaux verts... ou encore pire d'affichage!

Ce n’est pas parce qu’un outil est disponible qu’il est utilisé. Des études du MELS ont déjà mis en lumière que, malgré la disponibilité du matériel, il faudra un changement dans la conception de l’enseignement pour que des changements significatifs se produisent dans les salles de classe. Actuellement, il n’y a rien sur la table qui pourrait contribuer à un virage majeur en ce sens.

À ce compte, Jean Charest aurait dû rappeler aux commissions scolaires qu’elles n’ont aucune raison de bloquer l’accès aux réseaux sociaux dans les écoles (YouTube, Facebook, et compagnie), car ces outils technologiques peuvent s’avérer de puissant outils pédagogiques. Voilà qui aurait pu contribuer à ouvrir des esprits…

Déjà, dans les écoles du Québec, de nombreux enseignants utilisent un TBI dans leur classe. Pour tirer le maximum de leur outil d’enseignement, ils doivent pouvoir suivre une formation ou passer de nombreuses heures en tête à tête avec leur tableau blanc et son logiciel de création d’activités.

Mais encore là, rien n’est acquis. Même les enseignants les mieux intentionnés peinent à trouver du matériel didactique à utiliser sur leur TBI. Ils se retrouvent à numériser des ouvrages imprimés, en ce demandant constamment s’ils ne sont pas en train d’enfreindre les droits d’auteur. Mais, en même temps, ils ont le sentiment qu’ils doivent le faire pour offrir des contenus adéquats à leurs élèves.

Dans le domaine du contenu numérique, tout est encore à inventer. S’ils ne numérisent pas des contenus existants en version papier, les enseignants créent eux-mêmes du nouveau matériel de toute pièce.

Les éditeurs scolaires, jeunesse ou parascolaires a avoir pris le virage technologique, comme le Centre franco-ontarien de ressources pédagogique qui produit des ressources spécifiquement pour les TBI et les Éditions de l’Isatis qui rend ses albums jeunesse disponibles à la vente en version numérique, sont encore l’exception.

Pourtant, s’ils ne faisaient que rendre leurs ouvrages déjà existants en version numérique, ils donneraient un sérieux coup de main aux enseignants. Ensuite, ils pourraient passer à l’étape suivante, en concevant des contenus vraiment adaptés à la nouvelle ère technologique.

Bref, il est facile de faire beaucoup de bruit avec l’annonce de Jean Charest. Il est si rare qu’on ait entendu parler de technologie en éducation de la part du gouvernement québécois… Mais, il n’y a vraiment rien de nouveau sous le soleil pour l’instant. Du moins en ce qui me concerne!