dimanche 10 octobre 2021

Techno et développement durable

Au fur et à mesure que l'on s'intéresse à la lutte aux changements climatiques et au développement durable, les regards se tournent sur les impacts du numérique sur notre planète et notre société. La pandémie a particulièrement mis ses préoccupations en exergue. 

Aujourd'hui, des études révèlent que le secteur des technologies est responsable de 3% (certains disent 4%) des émissions mondiales de carbone, ce qui équivaut aux émissions du secteur aérien. De ce 3-4%, plus de 15% seraient attribuables uniquement aux centres de données informatiques (le fameux « cloud »). Quand même, hein?!

Cet automne, je suis inscrite au cours Les SIO et le développement durable à l'Université Laval. Je crois que c'est le « timing » parfait pour suivre ce cours. Alors qu'il y a quelques années, ceux qui parlaient de GreenIT se faisaient regarder un peu bizarrement, le terme ecoTIC (belle traduction) a maintenant fait son apparition dans le vocabulaire. De plus, les projecteurs se tournent de plus en plus vers les 17 objectifs du développement durable de l'ONU (vous savez, la petite épinglette multicolore du Dr Aruda?).


Et puis, l'actualité est riche en sujets à aborder à chaque semaine sur tous les aspects (économique, social et environnemental) de l'impact des technologies dans notre société. Google a annoncé la semaine dernière qu'il allait offrir l'option du trajet le plus écolo aux utilisateurs de son service d'itinéraire. L'Union européenne voudrait imposer un port de chargement unique pour l'ensemble des appareils électroniques. La multiplication des centres de données amène des questionnements sur l'utilisation de l'énergie et suscite la recherche d'une infonuagique plus responsable (le « fog » ou le « edge » computing). Et même l'éthique des travailleurs du numérique devient préoccupant (lire ici, les Facebook files). Cela va bien au-delà de l'obsolescence programmée dont on parle aussi depuis quelques temps.

Chaque discussion pendant le cours, et aussi sur le forum entre les étudiants, ramène inévitablement à l'importance d'être dans la nuance. Tout n'est jamais noir ou blanc. Pour chaque décision que l'on prend (effet direct), il y aura un effet pervers ou un contre-coup (effet indirect). Les technologies peuvent faire à la fois partie des solutions et des problèmes.

J'aime l'idée que le numérique peut faire partie des solutions pour un développement plus durable. Mais il faudra l'utiliser de manière plus réfléchie, plus stratégique. Il faudra prendre le temps de se poser les bonnes questions et d'y répondre en pesant tous les aspects. À chaque époque ses enjeux éthiques!

Gilles Babinet du Conseil national du numérique en France, abonde dans ce sens aussi. Il cite l'exemple de l'optimisation des chaînes de transport logistique, mais aussi celui du chauffage intelligent que nous pouvons installer chez soi. Ce ne sont que deux propositions parmi tant d'autres. Les exemples sont nombreux.

La mi-session arrive bientôt. Et l'examen, en présentiel! Je ne sais vraiment pas à quoi m'attendre comme examen. Ce que je sais, c'est que ce cours est riche en réflexion et qu'il démontre l'omniprésence du numérique dans nos vies, ses multiples facettes et la nécessité (l'urgence?) de se questionner sur nos usages et nos comportements. Je vous en reparle bientôt!




dimanche 3 octobre 2021

La revanche du numérique mais...

 


La dernière année et demie a été un peu comme la revanche du numérique pour ceux qui n'y croyait pas vraiment, qui tardaient à emboîter le pas, qui essayait encore de se mettre la tête dans le sable. Que cela leur déplaise ou non, le numérique a fait en sorte que la planète n'a pas arrêté de tourner et que la vie a pu continuer d'une certaine façon.

Nos enfants sont « allés » à l'école, nous avons acheté des biens essentiels (ou non) en ligne, nous avons gardé le contact avec nos parents et amis, nous avons travaillé (beaucoup trop) derrière nos écrans, etc. 

Il faut parfois un électrochoc pour entraîner le changement. Celui-là en a été tout un.

Finalement, certaines personnes se sont rendues compte que ce n'est pas si pire que ça, le numérique, et elles ont appris à vitesse grand V. En un an et demi, on a gagné un bon dix ans d'évangélisation pro-numérique.

Maintenant, un effet pervers nous guette. Celui de prendre pour acquis que, désormais, TOUT le monde est numérique et comprend comment ça marche.

C'est ici que la notion de compétences numériques entre en ligne de compte et qu'il faut faire quelques nuances.

Bien avant la pandémie, on parlait de fracture numérique - entre les utilisateurs et les non-utilisateurs de technologies, entre les branchés à Internet à basse ou à haute vitesse. La fracture numérique se dessine aussi de plus en plus parmi les utilisateurs du numérique eux-mêmes.

« Le fossé numérique continue de se creuser en raison de la pandémie, et les "maîtres du changement" définiront l'avenir », lit-on dans un communiqué de presse de l'entreprise de services-conseils Accenture.

Bref, ceux qui avait une longueur d'avance continuent de progresser. Pour les autres, ce n'est pas parce que tu as un téléphone mobile entre les mains que tu es compétent numériquement. Ce n'est pas parce que tu as un compte Facebook que tu es nécessairement un utilisateur avisé du Web. Ce n'est pas parce que tu as commandé des biens sur Amazon que tu es à l'abri des cyberfraudeurs.

La compétence numérique se décline de multiples façons. Au Québec, le ministère de l'Éducation la segmente en 12 dimensions : habiletés technologique, pensée critique, culture informationnelle, collaboration, production de contenu, etc. J'ai récemment publié sur le site de l'École branchée un article qui présente 3 outils pour évaluer sa compétence numérique.

Bref, la compétence numérique, c'est quelque chose de complexe et cela demandera qu'on s'y attarde... et pas seulement auprès des jeunes. Lorsqu'on pense à la compétence numérique, on pense tout de suite aux écoles et aux jeunes. Mais, il y a des adultes, des travailleurs, des personnes âgées qui ont tout à gagner à mieux saisir les subtilités de cet univers. 

Pour le moment, les initiatives sont éparses et souvent fragiles, dépendantes de financement public non-récurrent. Communautique offre des formations pour les personnes en situation de pauvreté. Alphanumérique offre des formations en ligne et dans les bibliothèques. D'ailleurs, une bonne partie des activités de littératie numérique passe par les bibliothèques, principalement dans les grandes villes. En région, c'est plus difficile. 

On aurait tout à gagner à mieux organiser et à pérenniser ces initiatives. Autrement, tout le monde apprend sur le tas, comme on dit, et pas toujours de façon adéquate.

Les jeunes

Je dis qu'il ne faut pas seulement parler des jeunes, mais il faut bien sûr en parler. L'un de mes cheval de bataille, depuis plusieurs années, c'est d'ailleurs le développement de la compétence numérique chez les jeunes.

Je fais notamment partie de la Table de concertation intersectorielle et interrégionale en littératie numérique au Québec. Il s'agit d'une initiative du Secrétariat à la jeunesse du gouvernement du Québec, qui est piloté par le Printemps numérique. J'y suis à titre de représentante de l'École branchée. J'y suis aussi par intérêt personnel. Nous nous rencontrons périodiquement pour partager des réflexions et actions potentiels. 

Plusieurs adultes croient, à tord, que les jeunes natifs du numérique sont des supers utilisateurs des technologies. Oui, ils savent « gamer » pendant des heures, publier des statuts sur des réseaux sociaux, se connecter en réseau avec leurs amis. Mais...

Savent-ils compléter un formulaire administratif en ligne? Savent-ils utiliser un logiciel de traitement de texte pour écrire leur CV, par exemple? Savent-ils rechercher des informations de façon structurer sur le Web? Tout ceci doit s'apprendre.

Des auteurs parlent aujourd'hui de jeunes analphabètes numériques. Le professeur français Jean-François Cerisier écrivait récemment dans un article : « Il faut reconnaître que les pratiques intensives et la dextérité dont la plupart d'entre eux font preuve dans l'utilisation de leurs smartphones nourrissent efficacement une illusion d'expertise ».

Accompagner les jeunes dans leur utilisation des technologies n'aura jamais été aussi nécessaire. Je ne pense pas que c'est en instaurant une semaine sans réseaux sociaux qu'on arrivera à quelque chose de concluant. Il faut d'abord accompagner les enseignants et les parents afin que ceux-ci se sentent mieux outillés et comprennent un peu mieux de quoi il en retourne avec les enjeux et les défis du numérique, et aussi avec toutes ses possibilités.

Cette semaine, lors de la Consultation sur la santé des jeunes et l'utilisation des écrans, on a dit que « les parents d'aujourd'hui seraient "démunis", déboussolés et en quête de balises » au sujet de l'utilisation des appareils technos par leurs enfants. On a aussi dit : « Les professeurs ont besoin d'informations et de ressources pour utiliser judicieusement la technologie ». C'est révélateur. 

La pandémie a forcé tout le monde à prendre l'autoroute du numérique. Maintenant, nous devons prendre le temps de lire le manuel de l'utilisateur et le code de conduite pour être certain de ne pas faire trop d'accident et de poursuivre notre chemin en toute confiance.

La pandémie a mis en lumière l'importance cruciale de la littératie numérique dans notre société. Saisissons l'occasion pour favoriser l'apprentissage pour tous et ne passons pas à côté de ce moment historique.