mardi 7 février 2023

Classe de français et autres dérives systémiques

 

D’aussi loin que je me rappelle, j'ai toujours aimé lire, aimer écrire. Ça a toujours est difficile pour moi de comprendre comment on apprend à écrire de la bonne façon. Pour moi, ça s'est fait naturellement. Aujourd'hui, je vis de ma plume (de mon clavier, en fait) et c'est ce que je fais depuis toujours. Je ne peux pas m'imaginer faire autre chose.

Quand je parle avec des gens, ils pensent que j'avais tout bon à l'école en français. Oui, j’avais des bonnes notes, j’avais des idées. Mais quand il fallait écrire de façon formatée en respectant des consignes bien précises, ce n'était pas ma force. L'écriture, c'est un exercice de créativité, d'imagination, qui devrait être sans limite. À l'école, on avait toujours un carcan de normes à respecter pour répondre aux exigences du programme, du ministère.

Maintenant, je vous transporte en 2023. Est-ce que les choses ont changé? Apparemment non. C'est l'histoire de ma fille qui a grandi avec des tonnes de livres autour d’elle et qui aimait se faire lire des histoires, mais qui n'aime pas lire tant que ça. C'est l'histoire de ma fille qui a souvent le syndrome de la page blanche quand elle a un texte à écrire. Elle a toujours eu de bonnes notes quand même. Quand la motivation n’était pas au rendez-vous, je me transformais en coach inspirationnel.

Pendant la pandémie, une belle occasion s'est présentée durant tout le temps de l'école à la maison. J'ai passé beaucoup de temps avec elle pour l'aider dans ses rédactions. Je ne le faisais pas à sa place, je lui donnais de la rétroaction en direct. Je lui expliquais pourquoi, je lui montrais comment, je la faisais réviser et corriger. Bref, elle avait un accompagnement personnalisé. 

Et waouh, les résultats ont été au rendez-vous. Quand elle est retournée en classe, je n'étais plus à ses côtés pour la conseiller, pour lui dire quel mot utiliser à la place de, as-tu pensé à, etc. Elle s'est retrouvé avec les meilleures notes de sa vie en français écrit. Qu'est-ce que ça veut dire? Qu'avec de l'aide, tout est possible. Elle a eu son premier Méritas en français en secondaire 4. Elle était bien fière. 

Cette année, en secondaire 5, quand elle a eu son premier cours de français. Elle m'a texté (oui, elle utilise son cellulaire en classe!) pour me dire : « Maman, la prof est géniale, tu l'aimerais tellement, je vais aimer mon cours de français cette année ».

Et c'était vrai. Depuis le début de l’année scolaire, son enseignante propose des activités intéressantes, des lectures actuelles, des balados captivants à écouter, des films en lien avec les lectures faites, des présentations orales engageantes. Ma fille n'avait jamais autant aimé un cours de français et c’est grâce à son enseignante.

Mais voilà, tout a basculé par un beau jour de janvier. Elle est revenue à la maison en me disant qu'elle avait un devoir de français à faire. Il fallait qu'elle rédige 6 (!) sujets amenés sur deux sujets différents, donc 3 pour chaque sujet. 

Je me suis tout de suite douté de ce qui se passait.

Moi : Vous êtes en préparation de l'épreuve ministérielle de fin d'année?

Fille : Oui, c'est ce que l'enseignante nous a dit. Elle va nous montrer comment faire dans les prochaines semaines et pas mal pour le reste de l'année.

Moi :  … (Je suis sans voix)

Fille :  Ça avait l'air de la stresser encore plus que nous.

Moi, sans filtre : Je ne peux pas croire que les choses n’ont pas changé. Après, on se demande pourquoi les jeunes n'aiment pas le français.

Il y avait une sélection de sujets. On a choisi le féminisme et l’enseignement en ligne et on a fait le devoir ensemble. Et attention, il ne fallait surtout pas laisser transparaître une opinion dans ce sujet amené, ça va venir après! Sérieusement, qui écrit un sujet amené de trois phrases dans la vraie vie? Même moi, je ne fais jamais ça. Une phrase ou deux, peut-être, mais trois!? 

Le pire dans tout ça, c’est qu’en l'espace d'une période, son enseignante était passée de prof « cool » à prof qui allait les « entraîner » à réussir l'épreuve (le mot est si bien choisi) ministérielle de français de secondaire 5. Allô la motivation autant pour les élèves que pour l'enseignante!

Je n’ai pas de solutions. Je ne sais pas comment on devrait évaluer la qualité du français écrit chez les élèves. Mais quelque chose me dit que cette façon n’est pas la meilleure. C'est peut-être la moins pire qu'on ait trouvé jusqu'à maintenant. Y a-t-il quelqu’un qui cherche une bonne pratique?

Je me doute déjà que, la semaine prochaine, on va pratiquer le sujet posé, et la semaine suivante, ce sera au tour du sujet divisé. Après, on va apprendre à bâtir un argumentaire. On va construire une belle recette de texte formaté, comme dans le temps, comme toujours. Pourtant, le français, ça devrait plutôt être d'apprendre à donner du sens à sa pensée, apprendre à s’exprimer, à jouer avec les mots, à faire des sonorités.

Dans les prochaines semaines, je vais mettre mon habit de coach motivationnel. Je vais aider ma fille à réussir cet examen, à pratiquer. Je n'ai pas le choix. Le système est fait comme ça.

J’ai tellement une pensée pour les autres élèves, les jeunes qui n’ont pas des parents qui, comme moi, prennent plaisir à s'amuser avec le français. Toutes ces jeunes dont les parents ne cessent de répéter que « le français, c’est compliqué, pis c pas grave si tu passes pas ». Ou ces jeunes dont les parents immigrants ne connaissent pas le français et ne peuvent pas les aider. Le français n’est pas la langue la plus facile à apprendre. Pourtant, elle est si belle. 

Là, je me mets déjà à penser à l'année prochaine. Quand ma fille va commencer le cégep, avec les cours de français obligatoires, avec ces superbes dissertations qui n'en finissent plus et qui sont tout aussi formatées que le reste.

À un moment donné, si on veut vraiment que les jeunes s'intéressent à la langue française, aient envie de l’apprendre, aient envie de lire, de faire des découvertes, d'écrire, de s'exprimer en français, il va peut-être falloir faire les choses autrement.


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En complément : Quelques pistes de réflexion pour sauver la langue française : une discussion avec la professeure de didactique du français, Priscilla Boyer, et la didacticienne du français, Suzanne-Geneviève Chartrand. On y parle des notes, des élèves, des examens... et si on parlait aussi des pratiques (inefficace) d'enseignement.

Source de l'image : Wikimedia Commons




vendredi 6 janvier 2023

Ce que je retiens de 2022...

 



En 2022, nous avons réappris tant bien que mal à vivre « normalement ».  Nous avons voulu « repartir la machine », faire comme si rien ne s'était passé. Mais finalement, ça ne fonctionne pas comme ça. Rendons-nous à l'évidence, la pandémie nous a tous un peu brisés. 

Les derniers mois de 2022 m'en ont fourni quelques preuves. Des couples ont éclaté ou sont chambranlants, des jeunes connaissent des échecs scolaires jamais anticipés ou décrochent tout simplement, des consommateurs sont devenus plus compulsifs que jamais, la solitude et l'isolement se sont installés pour d'autres, des touts-petits ont des difficultés d'intégration en milieu de garde, etc. 

La pandémie n'est surtout la cause de tous les maux, elle a cependant exacerbé des situations qui étaient latentes auparavant. Elle nous a mis en pleine face qu'on ne sait pas toujours bien gérer nos émotions et que, quand ça dérape mentalement, on perd rapidement le contrôle. Elle nous a mis en pleine face qu'on avance trop souvent dans nos sociétés de consommation sans se préoccuper de nos sentiments et de nos émotions. On n'a jamais appris à développer nos compétences sociales et émotionnelles. On improvise comme on peut et c'est très inégal d'une personne à l'autre.

Socialement, que pouvons-nous faire pour réparer ceux qui sont brisés? On n'a jamais autant parlé de santé mentale (pour éviter de parler de maladie, bien sûr), mais dans les faits, y a-t-il des actions concrètes qui sont posées? Avons-nous adapté nos façons de faire en conséquence?

La fatigue mentale qui s'était déjà installée au début de 2022 est toujours bien présente et c'est maintenant que l'on commence à saisir l'ampleur des dommages collatéraux. Arriverons-nous à ralentir pour prendre soin de nous? 

Certains milieux de travail ont commencé à mettre en place des mesures, comme de permettre aux employés de poursuivre le télétravail qui facilite grandement la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Je pense aussi à des politiques de droit à la déconnexion, des plages-horaires où il est interdit de tenir des réunions (pour limiter le trop-plein de Zoom et se concentrer sur le travail), des moments de présence aux bureaux où on prend le temps de jaser sans pression d'accomplir les tâches habituelles.

Dans les milieux scolaires, je vois des enseignants et des gestionnaires scolaires qui sont plus conciliants, qui trouvent des manières d'évaluer autrement, d'enlever de la pression sur les jeunes. Ils ne nivellent pas par le bas, ils s'adaptent au contexte pour éviter les débordements émotionnels et favoriser la réussite malgré les bouleversements. Cependant, leur capacité d'action est limitée puisqu'ils doivent composer avec un système qui, lui, ne s'est pas du tout transformé en exemple de bienveillance (je ne reviendrai pas sur les fameux bulletins et leur pondération).

Je continue de croire que tous doivent tirer des apprentissages de ces années qui viennent de passer. La normalité ne sera plus jamais la même. La pandémie nous a transformés et nous devons en prendre conscience. Nous avons de nouveaux repères sociaux et personnels à se construire. Peut-être comprendrons-nous enfin qu'il faut ralentir, pour vrai.

Personnellement, voici ce que je retiens de 2022 :

- Ça vaut la peine de prendre un temps d'arrêt pour réfléchir à ce que l'on veut vraiment dans la vie (et arrêter d'être sur le pilote automatique).

- Plus que jamais, je dois prendre soin de moi avant de prendre soin des autres.

- Je dois réapprendre à trouver l'équilibre entre rester chez moi et sortir voir du monde.

En 2022, je m'étais donné l'objectif d'apprendre à mieux choisir ce à quoi je consacre mon temps. Je dois dire que j'ai plutôt bien réussi sur ce point (autant personnellement que professionnellement). Je demeure vigilante face à chaque proposition qui arrive à moi, mais je sais mieux ce que je veux et ne veux pas faire, où sont mes limites.

Je souhaitais aussi développer ma capacité à savoir m'arrêter et à prendre des pauses (non-forcées). Là, par contre, j'ai lamentablement échoué. Mon corps m'a parlé à quelques reprises et je n'ai pas su l'écouter (mais t'sé, il y a tant de choses à faire, de beaux projets à concrétiser!).

Cela m'a amené à comprendre que :

- C'est correct de ne pas laisser les notifications ouvertes en permanence et de ne pas répondre en direct à tous les messages qui entrent (désolée à tous ceux auxquels je ne répondrai pas instantanément prochainement!)

- Les listes ont un pouvoir inestimable (quand on sait faire preuve de discipline). 

Ces deux trucs m'ont beaucoup aidé en fin d'année, surtout pour retrouver ma capacité de concentration qui semblait disparue à jamais.

Maintenant, pour être bienveillante envers moi-même, je ne formule pas de nouveaux souhaits pour 2023. J'ai seulement envie de continuer dans cette direction, faire en sorte que mes apprentissages de 2022 deviennent bien ancrés dans ma vie. 

En terminant, pour garder des traces, voici un résumé de ma vie professionnelle en 2022 (puisque j'avais fait le résumé de 2021). Oui, ce fut encore une fois un feu roulant de collaborations toutes aussi motivantes les unes que les autres. Mais, oh que j'ai eu du plaisir à réaliser chaque projet et je remercie chaque personne que je croise sur ma route professionnelle.

Je retiens entre autres :


Allez hop, on est parti pour 2023!

samedi 29 octobre 2022

Chronique scolaire



Le début d'une nouvelle année scolaire amène toujours son lot d'histoire à raconter. L'an dernier, j'en avais fait un billet dès la première journée. Cette année, j'ai tardé un peu. Par manque de temps surtout. Certainement pas par manque de sujets à aborder!

Le début d'une nouvelle année scolaire, pour un jeune, c'est découvrir de nouveaux enseignants et s'adapter à leur style. C'est recommencer à vivre au rythme des règles de vie scolaire. C'est renouer des amitiés et en tisser de nouvelles. Les premières semaines sont un enchaînement de découvertes positives ou... surprenantes.

Au royaume de l'utilisation du cellulaire en classe, la confusion règne. Certains enseignants autorisent les élèves à le laisser sur leur bureau, d'autres ne veulent pas le voir du tout. Certains piquent des colères mémorables à leur sujet, d'autres l'utilisent pour réaliser des activités en classe. « Il faut simplement se souvenir quel prof autorise quel comportement. » 

Au sujet de l'intégration du numérique, on repassera dans certains cas alors que le cahier d'activités est toujours roi et maître (oui, même en 5e secondaire). Il y a l'enseignant qui fait faire des travaux dans Classroom, mais demandent de remettre une copie imprimée. Heureusement, il a aussi ceux et celles qui autorisent les recherches en ligne, qui donnent le choix des outils, qui proposent des projets stimulants. Chaque enseignant est vite catégorisé par les élèves (c'est ingrat, je sais). Il y en a des « plus cool » que d'autres qui feront en sorte que les élèves trouveront du plaisir à apprendre. 

Vous l'avez compris, c'est beaucoup à travers les discussions que j'ai avec ma fille que je vis la rentrée scolaire. Les communications directes que j'ai avec l'école se résument pas mal en une accumulation de notifications pour de nouveaux résultats affichés dans le portail Mozaik. La première communication qui m'a dit que ma fille « répond parfaitement aux attentes du programme » et à un « excellent comportement ». Et le premier bulletin qui arrivera dans deux semaines.

Ce premier bulletin est probablement ce qu'on pourrait appeler le « bulletin de trop ». Oui, je sais, ce n'est pas la faute des enseignants si le 3e bulletin est de retour. N'empêche, il a causé tant de stress dans ma maison au cours des dernières semaines. Alors que certains enseignants veulent passer leur matière chargée, les examens se sont multipliés en prévision de la préparation de celui-ci. Il faut dire que les enseignants n'ont pas tous la même attitude face à l'évaluation. Ça fait un bel amalgame et ça fait grimper la pression. On peut comprendre quand tu te retrouves avec trois examens dans la même journée : math, chimie et physique.

Après deux années de pandémie, le retour à la « normale » est définitivement une situation stressante pour bien des jeunes. Comment faire comme si de rien n'était? Pourquoi surtout? On parle de plus en plus d'inégalité, elle est bien visible. Je me compte chanceuse, ma fille est une performante. Mais ce que j'entends n'est pas toujours reluisant. Il y a des dommages collatéraux sur lesquels il faudra se pencher, plus tôt que tard.

Ma fille est en cinquième secondaire, je commence à entendre parler de cégep, de choix de programme, de performance pour être acceptée dans tel ou tel programme, etc. Ce seront bientôt les portes ouvertes dans les Cégeps. Je me demande : « comment ces jeunes seront-ils accueillis dans les établissements? Est-ce que là aussi l'enseignement est sur le pilote automatique, comme avant? ». 

Le milieu de l'éducation a besoin d'un bon coup de renouveau. Pour tenir compte des deux dernières années. Pour garantir la réussite du plus grand nombre (pour vrai). Pour amener les jeunes à aimer apprendre, à se sentir bien à l'école, à ne pas y aller à reculons le matin. Pour offrir des milieux stimulants qui ouvrent des horizons pour l'avenir. Ce n'est plus de la peinture que ça prend pour cacher les défauts sur le mur. C'est une véritable rénovation. Même la fondation aura besoin d'être revue et solidifiée. 

Beaucoup de réflexion sont en cours en ce moment dans les milieux, je le sais. Certains milieux sont en action. C'est excellent. Leurs actions sont inspirantes. J'en vois beaucoup passer par le biais de mon travail avec L'École branchée. Par contre, nous en sommes encore aux initiatives locales. Donc, elles ne touchent pas tous les jeunes (inégalités quand tu nous tiens). Et puis, tu as beau être super innovant, si tu es coincé dans une boîte administrative rigide, tu vas atteindre tes limites un jour ou l'autre. 

Je me demande bien ce que ça prendra pour que l'on bouge dans les hautes sphères pour offrir des milieux scolaires dignes du XXIe siècle à nos jeunes.



mercredi 5 octobre 2022

Et si on parlait un peu de numérique ?



En 2018, à l’aube de l’élection provinciale qui allait faire élire la Coalition avenir Québec pour la première fois dans la province, nous étions trois blogueurs* qui s’étaient réunis pour interpeler les principaux partis politiques au sujet de leur vision du développement numérique.


Huit questions avaient été posées en lien avec les thèmes suivants : L’innovation, La stratégie numérique et l’administration publique, L’accès à l’information, Le commerce en ligne, La culture, La démocratie, L’éducation et Le développement régional. Les liens vers les réponses de l’époque sont encore disponibles en ligne, à partir de cet article.


En les relisant, je ne peux que constater que notre monde a bien changé en quatre ans, mais que plusieurs enjeux sont demeurés les mêmes.


Quatre ans plus tard, je ne pouvais pas laisser cette campagne se dérouler sans y mettre mon petit grain de

sel.


C'est ainsi qu'en 2022, il n'y a pas eu de questions, mais une lettre ouverte.

 

Elle a été rédigée avec Yves Williams, accompagnateur numérique, et Stéphane Ricoul, expert de l'économie numérique.  Avec des échanges dans un Google Document, des commentaires et des discussions dans un canal Telegram, le processus est allé bon train. Je me réjouis même tout autant du contenu de la lettre que de la fluidité et efficacité de notre collaboration. C'est la preuve qu'on n'a pas toujours besoin d'être physiquement dans la même pièce pour réaliser un projet commun.


Nous avons fait relire nos écrits par un petit groupe en privé. Puis, il nous est venu l'idée de recueillir aussi des appuis, sous forme de co-signataires. C'est ainsi que Yves (merci!) s'est retrouvé à acheter un nom de domaine, à créer un mini-site Web et à brancher un Google Analytics.


Le résultat est simple, mais efficace pour ce que nous voulions faire : http://numerique-ouvronsledebat.ca/


Le contenu de la lettre et la liste des co-signataires s'y trouvent. J'ai aussi republié la lettre sur ce blogue.


La lettre a aussi été publiée pour la première fois dans La Presse Plus (merci à Stéphane pour les démarches!). D'autres publications ont suivi. Afin de garder des traces des retombées de l'exercice, je souhaitais publier une petite revue de presse ici.


Revue de presse :

« Je salue l’initiative du gouvernement d’avoir créé un ministère relatif au numérique, mais j’ai toujours milité contre un tel organe, et pour la création d’une autre entité, d’une direction générale ou d’une société d’État numérique, beaucoup plus transversale et transministérielle, adéquatement financée et dotée d’un pouvoir d’action concret. Ce serait un organisme chargé d’accompagner l’ensemble des ministères pour comprendre ce qu’il faut modifier dans chacune des lois s’ajuster à ce que le numérique nous offre aujourd’hui. »



L'élection provinciale a eu lieu le 3 octobre 2022. Le gouvernement de la Coalition Avenir Québec a été élu pour un deuxième mandat majoritaire. Il est certain que nous allons suivre la mise en place du nouveau conseil des ministres, puis les décisions à venir en matière de transformation numérique de la société et de l'État québécois.



*À l’époque (2018), Clément Laberge, consultant indépendant dans le domaine du numérique, de la culture et de l’éducation, Martine Rioux, citoyenne et blogueuse engagée dans l’intégration du numérique, Yves Williams, entrepreneur, consultant numérique et blogueur. 

Société numérique: ouvrons le débat!

 


Cette lettre ouverte, rédigée à l'occasion de la campagne électorale québécoise de 2022, a également été publiée sur site Web : numerique-ouvronsledebat.ca

Le billet Et si on parlait un peu de numérique? explique la démarche derrière sa rédaction.

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La campagne électorale est commencée depuis deux semaines; ni les partis politiques, ni les commentateurs et analystes n’ont abordé la question de l’impact de la transformation numérique du Québec. Non seulement, cette question ne fait pas partie des priorités des candidats, elle est même évacuée des priorités électorales par les médias.

Pourtant, l’impact de cette transformation est omniprésent. Toutes les dimensions de l’activité gouvernementale, sociale et économique seront affectées au cours des prochaines années, tout comme elles l’ont déjà été au cours des 20 dernières.

L’économie, la santé, l’environnement, la culture, l’éducation, qui sont parmi les principaux thèmes de la campagne de tous les partis, ont pour dénominateur commun d’être des domaines où l'utilisation des technologies numériques est toujours de plus en plus importante. Même les règles de la vie démocratique sont bousculées par l’essor de nouveaux canaux de communication proposés par des technologies aussi innovantes qu'opaques dans leur fonctionnement.

En 2021, 97 % des Québécois possédaient au moins un appareil numérique et 93 % des foyers étaient branchés à Internet. L’apprentissage en ligne s’est démocratisé, le télétravail s’est généralisé, les produits culturels sont de plus en plus consommés au moyen de plateformes de diffusion, les objets connectés nous suivent à la trace pour surveiller nos moindres déplacements, notre état de santé, nos contacts, nos achats (souvent en n’incluant qu’un consentement approximatif).

Les technologies numériques sont des leviers inouïs pour répondre aux enjeux de société de notre temps. Elles permettent d’accéder à des savoirs jusque-là inaccessibles, de contribuer à la productivité de nos entreprises, de pallier le rétrécissement du bassin de main-d'œuvre, d’accroître les découvertes médicales et leur partage, de faciliter les communications entre les administrations publiques et les citoyens; elles pourraient même devenir un atout important dans la lutte aux changements climatiques. À l’inverse, elles provoquent aussi des effets pervers indéniables : choc des cultures, fuite de renseignements personnels, nouvelles fractures sociales, polarisation des débats, cyberintimidation, cyberattaque, redéfinition des frontières de nos vies privées, etc.

Il est donc inquiétant de constater aujourd’hui la nonchalance des partis à développer une ligne politique cohérente sur le numérique. Les technologies numériques ne sont pas neutres et leur utilisation peut entraîner des divergences de vues au sein même de notre société.

Les gouvernements ne peuvent plus minimiser les questions numériques comme s'il ne s'agissait que d'infrastructures, de méthodes informatiques, de câbles et de programmes d'accompagnement. Le numérique refaçonne le rapport entre les entreprises et la population, entre l’administration publique et les citoyens, et entre chacun d’entre nous. Le numérique a un effet structurant sur notre façon de penser, de vivre, d'échanger, de consommer, d'aimer, et de faire évoluer notre démocratie. La transformation numérique de notre société est liée aux pouvoirs politiques et doit être conduite comme telle.

Les partis politiques ne peuvent plus se défiler. Les enjeux sociaux sont grands, les impacts possibles immenses.

Jusqu’à maintenant, aucun gouvernement n’a assumé le leadership auquel nous nous attendions. Ni pour soutenir la transformation numérique de la société, encore moins pour chercher à la comprendre. Au fil des ans, les gouvernements sont apparus mal préparés et en mode improvisation lorsque certains enjeux faisaient tout à coup la manchette.  

Aujourd’hui, est-ce qu’un seul des partis est en mesure d’avoir une vision pour s’assurer : 

  • que les technologies numériques puissent devenir des alliés puissants du développement régional et des outils de croissance pour les entreprises où qu’elles se trouvent sur le territoire; 

  • que le commerce en ligne se développe à l’avantage des économies locales et des consommateurs

  • que les milieux artistiques, médiatiques et culturels soient mieux servis par les nouvelles formes de diffusion et de distribution, et non plus simplement menacées par elles; 

  • que l'éducation publique puisse tirer profit des possibilités numériques pour offrir des parcours de formation plus adaptés aux apprenants et aux réalités actuelles; 

  • que l’écosystème communautaire puisse utiliser les technologies numériques pour accélérer le rayonnement des valeurs inclusives dans notre société; 

  • que l'intelligence artificielle, qui s’intègre de plus en plus aux processus administratifs, respecte les plus hauts standards d'éthique et soit libre de biais sociaux; 

  • que les stratégies numériques soient établies en cohérence avec l’action climatique, en tenant compte du fait que le numérique est à la fois un accélérateur du dérèglement climatique et une source potentielle de solutions;  

  • que le gouvernement adhère à des principes de développement numérique responsable, attentifs aux exclusions que l’intensification des usages numériques va produire afin de permettre à chaque citoyen de jouer son rôle à part entière;

  • que l'innovation devienne une valeur forte dans l’administration publique?

Aujourd’hui, est-ce qu’un seul des partis est en mesure d’envisager la création d’un organisme indépendant et adéquatement financé, chargé de conseiller le gouvernement et le public sur les enjeux du numérique?

Aujourd’hui, est-ce qu’un seul des partis peut défendre les principes d’une souveraineté numérique, tant dans les moyens technologiques, dans la formation que dans la préservation de nos informations privées ?

Au début de 2023, les nombreux plans d’actions mis en place par le gouvernement en matière de numérique arrivent à échéance. Il faudra repenser les stratégies, mesures et calendriers d’activités rapidement au lendemain des élections. Rien n’a encore été divulgué quant à leur continuité. Ce sera un exercice complexe et délicat; tout autant que le fut la révision de la loi sur la protection des renseignements personnels. Chacun des plans est intimement relié aux autres et ne saurait plus être traité indépendamment, comme ce fût le cas jusqu’à aujourd’hui. Les questions du numérique sont si transversales et leurs impacts si structurants qu’elles imposent d’avoir une vision d’ensemble forte

Nous faisons donc appel aux leaders des partis politiques, afin qu’ils et elle profitent des semaines de campagne qui restent pour amorcer la discussion sur la société numérique que nous souhaitons collectivement nous donner. Aurez-vous le courage d’ouvrir le débat ?


À l’initiative de :   Martine Rioux, Chargée de projets d’édition numérique Stéphane Ricoul, Expert en économie numérique Yves Williams, Accompagnateur numérique


Parmi les cosignataires:

Dominique Leclerc, Scénariste, dramaturge, réalisatrice; Francis Gosselin, Ph.D., Économiste et consultant; Mathieu Halle, Entrepreneur, président et cofondateur; Stéphane Roche, ing., Ph.D., Professeur titulaire de sciences géomatiques; Annie Chénier, Accompagnatrice dans la transformation numérique; Bruno Santerre, Coordonnateur de programme Intégration multimédia; Denis Martel, Stratège numérique; Guillaume Morissette, Directeur de la recherche et développement.

Pour consulter la liste complète des cosignataires.

dimanche 28 août 2022

Politique et autres réflexions

 

Reprendre le clavier pour parler de politique. J'y ai pensé à deux fois et puis j'ai décidé que je pouvais bien me lancer. C'est naturel pour moi. J'avais écrit sur la campagne de 2014, ensuite sur celle de 2018. Nous voilà en 2022.

C'est que je ne peux pas écrire sur la campagne électorale qui vient de débuter sans jeter un regard sur les quatre années qui viennent de passer.

Retour en arrière...

Lorsque la Coalition Avenir Québec (CAQ) a été élue en 2018, un vent de changement et d'optimiste soufflait sur le Québec. Enfin, un nouveau parti qui voulait faire les choses différemment. C'était ma perception en tout cas. Avec la nomination d'un ministre délégué à la Transformation numérique gouvernementale (devenu ministre de la Cybersécurité et du Numérique depuis), j'étais personnellement d'autant plus heureuse. Le gouvernement allait s'attarder aux enjeux du numérique et mettre fin au bordel informatique.

C'est pourquoi je n'ai pas hésité à embarquer dans l'aventure quand on m'a offert le poste de conseillère politique pour le ministre délégué à la Transformation numérique gouvernementale, Éric Caire. Quelle opportunité! Je ne le regretterai jamais et depuis, les employés de l'État ont toute mon admiration.

Pendant un an et demi, j'ai pu vivre de l'intérieur ce qu'on appelle le gouvernement et la vie de cabinet politique. Cela m'a permis de mieux comprendre certaines choses, de me réjouir de certaines rencontres et de me désoler d'autres situations. Cela a confirmé ou infirmé certaines perceptions que l'on peut avoir de l'extérieur.

Il y a eu des projets incroyables et grisants auxquels j'ai pu participer : élaboration et lancement de la Stratégie de transformation numérique gouvernementale 2019-2023, plateforme de consultation publique gouvernementale, standards numériques (devenu le guide des bonnes pratiques numériques), mission en France avec le ministre (qui allait confirmer la vision autour de la Loi 25, entre autre chose). Puis, il y a eu la pandémie qui a changé la dynamique pour de multiples raisons.

Quand j'ai quitté, j'ai pris mes distances avec le monde politique. J'avais besoin de faire le vide. J'avais besoin de redevenir une simple citoyenne. Je n'avais pas accepté ce poste pour « faire de la politique », j'avais accepté ce poste pour faire bouger les choses pour la transformation numérique.

Parfois, on en vient à penser qu'il n'est pas possible de faire changer les choses de l'intérieur, qu'il faut reprendre son bâton de pèlerin de l'extérieur. Cela revient un peu à ce que j'avais écrit lors de la campagne électorale de 2018.

« Dans le fond, la solution ne se trouve peut-être pas dans l'implication politique, mais dans une implication citoyenne constante et consciente. »

Aujourd'hui...

Une nouvelle campagne électorale débute. La CAQ domine outrageusement les sondages. Les oppositions sont dispersées. Même si j'adhère encore aux idées de la CAQ, je ne suis pas de celles qui suivent une formation politique aveuglement. J'espère donc que la campagne donnera quand même lieu à des échanges constructifs et pragmatiques pour notre société qui en a bien besoin.

J'admire toujours les gens qui ont le courage de mettre « leur face sur le poteau » (Allô en particulier à Éric, Joëlle et Mario!). Le cynisme est plus présent que jamais. C'est donc plus important que jamais que des gens le fassent. Beaucoup de journalistes sont du nombre. Est-ce bien ou mal? Je me permets de donner mon avis, étant journaliste de formation moi-même : à travers le cynisme ambiant, les journalistes font partie d'une classe qui croit qu'il est possible d'avoir une influence dans la société, qui croit à la défense de la démocratie et qui s'intéresse au bien public. Au-delà des raisons personnelles, l'appel de la politique est cohérent avec cette vision.

Une nouvelle campagne électorale débute. Je me désole de voir qu'on fait encore de la politique pour faire de la politique, que certaines décisions, comportements ou commentaires sont faits uniquement avec un objectif partisan et non pas pour le bien commun. C'est ce que je déplore le plus. Et je l'avais déjà écrit d'ailleurs.

Et malgré tout, au fond de moi, j'ai encore espoir que cela pourrait changer, qu'il est vraiment possible de faire de la politique autrement. Pour redonner le goût aux citoyens de s'intéresser davantage à tout ce qui touche le gouvernement et les enjeux publics. Pour rejoindre les jeunes électeurs. Pour cela, il faudra peut-être sortir des clichés à un moment donné. En refaisant mon cours d'histoire de secondaire 4 l'an dernier (avec ma fille!), j'ai juste repris conscience à quel point l'histoire se répète et se répète sans cesse. 

Mon message est donc le suivant : 

- Ce n'est pas en réanimant toujours les mêmes débats ni en tombant dans les extrêmes que nous pouvons créer un climat social harmonieux (et nous devons être plus vigilants que jamais pour que cela n'arrive pas). 

- Les citoyens doivent sentir qu'on les écoute réellement, que les choses avancent concrètement. (Bref, on lâche la cassette et on privilégie la transparence et les échanges authentiques, pour vrai, et pas juste pendant la campagne).

- Comme citoyens, il est plus nécessaire que jamais de s'intéresser aux débats d'idées et de prendre le temps de s'informer, puis d'aller voter. (oui, je sais, vous avez l'impression que ça ne changera rien, mais ça peut TOUT changer).

- Sur une note plus personnelle, malgré les avancées réalisées grâce à la pandémie, il reste beaucoup à faire pour que le gouvernement du Québec se dote d'une véritable vision pour répondre aux enjeux du 21e siècle et de l'ère numérique. Bien qu'il soit peu probable que ceux-ci fassent partie des grands débats de la campagne, je souhaite que la prochaine législature du Québec s'y attarde plus activement.

On s'en reparle le 4 octobre (ou avant)!


mercredi 27 juillet 2022

La mascarade papale

 


C'est toujours délicat de parler de religion, mais là, c'est plus fort que moi, je me lance. La visite du pape au Canada et au Québec, en particulier, est en train de prendre une importance démesurée. Pour une société qui a rejeté la religion catholique en bloc dans les années 60 et qui n'est presque plus pratiquante, nous avons l'air d'un gang de groupie depuis quelques semaines. Seraient-ce les médias qui n'ont quasiment rien à se mettre sous la dent en cette période estivale qui accorde trop de place à cet événement? 

La religion catholique fait partie de nos racines et elle est inscrite partout dans notre patrimoine. Nous ne pourrons jamais le renier, ni faire comme si cela n'avait pas existé. Ce sont des religieux qui ont contribué massivement à la colonisation de notre pays et à la naissance de notre société. Mais, disons-le, la population a été (trop) longtemps sous le joug de la religion, d'extrémistes religieux qui ont abusé de leurs pouvoirs au nom de Dieu.

Oui, le pape doit absolument s'excuser auprès des Premières Nations pour tout le mal fait à ces communautés. (ceci étant, de nombreux civils auraient aussi à s'excuser). 

Mais le pape ne devrait-il pas aussi s'excuser auprès de toutes ces femmes qui ont été contraintes d'avoir des enfants à répétition pendant des années (peu importe leur condition physique)? Le baby-boom, ce n'est pas juste parce que les Québécois désiraient des familles nombreuses. 

Ne devrait-il pas s'excuser auprès de tous les enfants qui ont été arrachés à leur mère parce qu'ils avaient été conçus hors du mariage? Ne devrait-il pas s'excuser auprès de ces filles et ces femmes qu'on a privées de leur enfant? De celles dont on a nié qu'elles étaient victimes d'incestes? Des autres qu'on menaçait d'aller en enfer si elles éprouvaient du plaisir lors d'une relation sexuelle?

Ne devrait-il pas s'excuser auprès des personnes qui n'ont pu vivre leur homosexualité librement? Ne devrait-il pas s'excuser pour toute l'hypocrisie de la communauté religieuse, les secrets, les tabous, les fausses croyances qu'elle répandait dans une population peu instruite qui voulait croire en quelque chose? 

Il y a quelques semaines, on s'insurgeait contre le recul du droit à l'avortement aux États-Unis. Aujourd'hui, nous accueillons en grande pompe le pape. Ce pape qui s'oppose toujours à toute forme de contraception, qui est contre l'avortement, qui condamne l'homosexualité, qui refuse tout pouvoir aux femmes. Et n'oublions pas qu'il existe des populations dans le monde qui sont encore sous l'emprise de la religion catholique.

Le pape est un symbole. Un pape rétrograde. Une image du passé. 

Maintenant que notre société devient de plus en plus laïc, que nous voulons nous éloigner des extrémistes en tout genre, ne devrions-nous pas faire preuve d'un peu plus de retenu face à sa visite?


Image prise le 10 juillet au Mont-Saint-Joseph à Carleton-sur-Mer.