lundi 15 février 2021

Repenser nos milieux de vie : la ville de demain

 


Habiter notre territoire. Un concept qui suit l'histoire du Québec depuis la Nouvelle-France. Les seigneuries ont été créées pour « habiter le territoire ». Puis, il y a eu toutes sortes d'initiatives à travers les époques, jusqu'à la plus récente, lancée la semaine dernière, par la ministre des Affaires municipales: une conversation nationale pour mieux « habiter le territoire » (initiative que je salue en passant).

Il faut dire que malgré les siècles qui ont passé, nous ne sommes pas encore arrivés à vivre pleinement notre vaste territoire. Mais l'occasion est belle de le repenser en ce moment. Pourquoi? Parce que la pandémie crée un contexte social différent et hautement propice.

En novembre dernier, à l'invitation de K2 Géospatial, j'ai participé à un panel de discussion qui portait justement sur le thème de la ville de demain et de notre approche envers les milieux de vie. J'ai tardé à écrire un compte-rendu de cette expérience, mais au fil des mois qui ont passé, le sujet est devenu de plus en plus important à mon sens et il mérite d'être discuté et rediscuté.

Je ne reproduirai pas en détail les propos tenus lors du panel mais l'enregistrement est disponible en ligne pour les intéressés. Je tiens à remercier Jacques et Claudia pour l'invitation ainsi que Pascal pour l'animation, de même que les autres invités pour les échanges.

Dans un premier temps, il faut dire que la pandémie a mis énormément de pression sur les municipalités. Les villes de banlieue, parfois qualifiées de villes dortoirs, se sont retrouvées du jour au lendemain avec des citoyens qui y vivent toute la journée, qui y habitent réellement. Leurs infrastructures ont certainement été mises à l'épreuve, les services de proximité (restauration, essence, etc.) ne sont pas toujours vraiment à proximité (pas à distance de marche en tout cas). Comme les gens peuvent travailler de n'importe où maintenant et que la tendance se poursuivra même après la pandémie, elles devront certainement repenser leurs services à la population, l'aménagement de leur territoire en conséquence.

De même, un engouement pour les zones rurales se fait sentir. L'attrait des grands espaces était déjà en vogue. Aujourd'hui, on peut dire qu'il est à son apogée. Mais encore là, les défis sont nombreux pour les municipalités rurales. On l'a entendu à quelques reprises alors que certaines n'avaient pas de couverture internet convenable, ce qui nuit grandement à leur taux d'attraction.

À l'inverse, les centres-ville ont été désertés et pratiquement laissés à l'abandon. Les grandes villes devront elles aussi reconsidérer leur façon de développer leur territoire; l'emplacement des parcs et installations sportives par exemple. Le transport en commun se retrouve marginalisé. Qu'adviendra-t-il des immenses tours à bureaux?

« La pandémie a permis de constater à quel point les embouteillages, la pollution et le manque d’espaces verts peuvent être dommageables [pour les citadins]. Cette période offre l’occasion d’améliorer la vie en ville », lit-on dans un article publié sur La conversation. L'article relate un projet de revitalisation d'un des quartiers centraux de Barcelone. L'un des objectifs du projet est de garantir qu'aucun résident ne se trouve à plus de 200 mètres d'un espace vert.

Bref, « l'expérience ville » était importante, elle devient déterminante.

L'un des principaux sujets de discussion du panel concernait le numérique et les possibilités qu'il représente pour les villes peu importe leur taille. Comment les villes peuvent-elles créer un écosystème gagnant, autour du numérique, pour le bien commun? 

Vous avez sûrement déjà entendu l'expression « ville intelligente ». Personnellement, je préfère dire « territoire connecté » puisque cela m'apparaît plus englobant. Mais peu importe le nom qu'on lui donne, le phénomène était déjà enclenchée avant la pandémie et elle ne fera que s'accélérer, avec les possibilités du numérique présentes et à venir.

Au fil de la discussion, nous avons abordé des opportunités offertes par le numérique pour les municipalités : communication bonifiée avec les citoyens, accroissement de la participation citoyenne, services publics en ligne, services optimisés en temps réel, inclusion sociale, etc.

Le numérique ouvre la porte à un véritable dialogue entre les citoyens et les administrations publiques, à plus de transparence, à l'émergence de communautés de partage plus actives. L'un des objectifs dans l'utilisation accrue du numérique au sein des municipalités doit certainement être de rapprocher les citoyens des paliers décisionnels pour qu'ils puissent contribuer au développement de leur territoire et se l'approprier un peu plus. 

Des défis et enjeux se posent, bien sûr. À commencer par le développement des compétences numériques chez les citoyens. Oui, la presque totalité des citoyens est maintenant branchée à Internet et un rattrapage certain a été fait chez les plus âgés au cours de la dernière année. Mais branché ne veut pas nécessairement dire compétent. Éviter les fraudes en ligne, reconnaître les fausses nouvelles, utiliser de façon éthique les médias sociaux, etc. Il y a des apprentissages qui doivent pouvoir se faire. 

Présentement, la prise en charge du développement des compétences numériques relève de tous et de personne en même temps au Québec. Il n'y a pas de vision à ce sujet, excepté dans le milieu scolaire. Mais qu'en est-il de ceux qui ont quitté les bancs d'école? La ville de demain devrait pouvoir s'attarder à ce défi.

Un autre enjeu a été abordé au cours de la discussion et il représente en même temps un objectif à atteindre: briser les silos pour se transformer « pour vrai ». Ce n'est pas en se campant dans nos rôles traditionnels, en agissant chacun pour soi que l'on pourra exploiter au maximum le potentiel du numérique et créer des écosystèmes ouverts et innovants. 

Briser les silos, ça veut dire s'engager dans de véritables démarches de collaboration et d'écoute. Collaborer, ça veut dire construire avec les autres, pas seulement montrer à la fin pour approbation. Écouter, ça veut dire faire un effort pour comprendre l'autre, pas seulement sonder pour récolter des opinions. Se transformer « pour vrai », c'est revoir ses façons de faire et accepter de changer et de se placer en situation d'inconfort.

Puisque la pandémie nous force à faire les choses autrement, puisqu'un mouvement nouveau et très dynamique d'occupation du territoire se concrétise, le moment semble idéal pour s'inspirer les uns des autres, pour partager un peu plus les expériences vécues et porteuses de succès, pour s'engager dans des dialogues régionaux et territoriaux. Tout pourrait être remis sur la planche à dessin pour créer les milieux de vie de demain. 

Les enjeux du numérique sont avant tout relationnels et humains. Les technologies sont là. Il nous faut maintenant revoir notre posture pour tirer pleinement profit des possibilités et véritablement repenser notre relation avec le territoire, de façon durable cette fois.

Bernard Vachon, professeur retraité de l'UQAM et spécialiste en aménagement et en développement local et régional, écrivait récemment dans Le Devoir: « Nous entrons dans une étape charnière des relations entre les grandes villes et les régions. Le Québec est en voie de réoccuper ses régions, après des décennies d'abandon, par un processus de redistribution de ses forces démographie et économiques ». Cela semble ambitieux et fort comme affirmation, mais j'ose croire que c'est possible d'y arriver.


lundi 8 février 2021

1, 2, 3, 42... Plongez!


Ce matin, j'étais très fébrile. C'était le début de la première Piscine du campus 42 Québec. La première quoi?, diront ceux qui ne connaissent pas le concept de 42. Il s'agit de l'accueil de la première cohorte d'étudiants qui, pendant 26 jours consécutifs, doit réaliser des projets informatiques en vue d'être finalement admis « pour vrai » au programme de formation de 42. 

42, c'est un centre de formation unique en son genre, qui s'appuie sur un apprentissage autodidacte secondé par les pairs, qui a vu le jour à Paris et qui se déploie maintenant en réseau un peu partout à travers le monde

Pourquoi cette journée est si spéciale pour moi? Je veux vous expliquer. Car derrière cette première Piscine, cette ouverture officielle du campus 42 Québec, il y a toute une histoire. Une histoire d'humains qui ont cru très forts en ce projet et qui y ont déployé des efforts énormes pour le mener à bien.

Pour moi, cette aventure a débuté à l'automne 2017 alors que je venais d'être nommée directrice générale de l'organisme Québec numérique. Il y avait, dans les cartons, le projet de doter Québec d'un lieu de formation aux métiers du numérique, inspiré de 42. Malgré tous les autres projets qui étaient déjà route chez Québec numérique (WAQ, Semaine numériQC, etc.) et tous ceux qui étaient en émergence (100% numériQc, Culture/NumériQC, etc.), j'étais convaincue qu'il fallait mener ce projet à bien.

Parce que l'éducation doit être une priorité sociale. Parce que le monde du numérique a désespérément besoin de main d'oeuvre qualifié. Parce qu'il faut savoir penser en-dehors de la boîte pour créer de nouveau modèle. Parce que l'apprentissage, c'est quelque chose qui se vit pendant toute la vie, souvent en-dehors des murs des établissements d'enseignement. Parce que Québec a été le berceau de l'éducation en Amérique du Nord (c'est symbolique).

Le 16 novembre 2017, je me souviens d'une première rencontre (allô Carl Frédéric, Éric, Audrey et Maxime!), où nous avons échangé sur les formes et les prémisses qui devraient guider le projet, à quoi devrait ressembler ce lieu de formation. Puis, les mois ont passé et le temps manquait. Un matin de février, j'ai pris le téléphone (quand c'est vraiment important, on n'envoie pas un texto, on appelle!) et j'ai appelé Éric. Je lui ai dit: « Embarques-tu, on se fait un document fondateur et on avance. Il faut le faire ce projet». 

Et on l'a fait! 

Je ne décrirai pas la suite en détails mais... Le conseil d'administration a embarqué dans le projet. Des ponts ont été établis avec le 42, qui devait être une source d'inspiration au départ, puisqu'aucune franchise n'était autorisée. Des recherches de financement ont été faites. Le ministère de l'Éducation du Québec a accordé une somme de 75 000$ pour réaliser une étude d'opportunité. Des visites ont été réalisées au 42 Paris, dont l'une avec le maire de Québec. Nous avons même rencontré Nicolas Sadirac, qui est celui qui a pensé le modèle pédagogique de l'institution. Sophie Viger est arrivée à la tête de 42 Paris. Tout à coup, la porte s'est ouverte pour un réseau mondial de campus 42. Nous avons invité Sophie à Québec comme conférencière pour le WAQ. 

Puis, j'ai quitté Québec numérique, mais l'histoire ne s'est pas arrêtée. Dominic Goulet, le nouveau directeur général, a repris le flambeau et il a poursuivi les démarches. Il était maintenant décidé que Québec aurait SA franchise de 42. Certaines embûches se sont présentées sur le chemin, mais Dominic et l'équipe ont persévéré. Recherche de financement, recherche de partenaires, visite du ministre du Travail à 42, visite du ministre de la Transformation numérique aussi, recherche d'un local, etc.; les conditions gagnantes se mettaient en place. 

Et... il y a eu une pandémie mondiale... ça vous dit quelque chose?

Le calendrier a été bouleversé mais l'équipe a persévéré encore. Ce projet devait absolument voir le jour. On était si prêt du but.

Nous arrivons à ce matin. À l'invitation de Carl Frédéric (Merci tellement!), je suis entrée dans les locaux de 42 Québec. C'est indescriptible. Magique. J'avais peine à croire que c'était bel et bien réel. Il y avait là, les 40 premiers participants à la Piscine de 42 Québec. Des gars et des filles, motivés, qui ont répondu à l'appel et ont eu envie de s'investir dans une formation hors de l'ordinaire, une formation qui bouscule les façons de concevoir l'éducation. Des gars et des filles qui ne se reconnaissent peut-être pas dans le monde scolaire traditionnel et qui souhaitent néanmoins acquérir de nouvelles compétences en informatique. 

WOW! J'étais émue. Je le suis encore.

Je ne peux nommer tout le monde qui a cru au projet et qui l'a fait avancer, ne serait-ce que de quelques centimètres. Ces personnes se reconnaîtront et je vous salue tous. Je vous dis Merci d'être embarqué dans l'aventure, d'avoir permis la concrétisation de ce grand rêve pour Québec. Un rêve dont certains doutaient, mais on l'a fait. Tous ensemble!

Une page d'histoire s'est tournée ce matin, mais l'histoire ne fait que commencer. 42 Québec existe pour vrai maintenant, avec sa première cohorte. Une deuxième est déjà prévue en mars et ça continuera.

Dans chaque jour, il y a du beau. Aujourd'hui, c'était particulièrement beau!



La pandémie force l’accélération des projets numériques

 


La dernière année a certainement permis de faire la démonstration que les organisations publiques peuvent s’adapter, et même changer rapidement, lorsqu’elles y sont contraintes. Effectivement, même si la transformation numérique était déjà en marche, la pandémie de la COVID-19 a permis une accélération phénoménale des projets numériques. Celle-ci se traduit par des retombées positives pour les citoyens.

 

Consultations médicales à distance, enseignement en mode virtuel, comparutions judiciaires par vidéoconférence… des possibilités qui étaient bien réelles avant 2020, mais qui ont pris forme à vitesse grand V en cours d’année. « La pandémie a accéléré – dans certains cas, de plusieurs années, les avancées numériques des gouvernements », confirme d’ailleurs la firme Deloitte, dans un article intitulé Creating the government of the future, publié sur son site web le 25 novembre 2020. 

 

Il y a longtemps que les citoyens s’attendent à obtenir davantage de services numériques de la part des instances publiques, et surtout plus de services simples à utiliser et faciles d’accès. Depuis un an, ils ont été servis en matière de nouveautés. Les organisations publiques canadiennes et québécoises ont fait preuve d’initiative pour faire face aux contraintes imposées par la crise sanitaire et proposer des services adaptés.

 

Projet à échelle humaine

Souvent, dans les médias, ce sont les projets publics de plus grande envergure qui sont présentés. On n’a qu’à penser au projet d’identité numérique ou au Dossier santé numérique. Pourtant, une foule d’autres projets de plus petite envergure et ayant un effet immédiat dans le quotidien des citoyens se réalisent quotidiennement. 

 

L’événement Initiatives numériques gouvernementales, présenté dans le cadre de la Semaine numériQC, le 16 avril prochain, sera notamment l’occasion de faire connaître quelques projets qui ont rapidement été déployés afin de répondre aux besoins des citoyens dans le contexte actuel.

 

Par exemple, la Société d’habitation du Québec a été amené à mettre en place, dans un très court délai, deux mesures d’aide pour des citoyens directement touchés par la pandémie; un soutien financier pour les ménages en attente de leur résidence et un programme d’aide financière aux locataires pour le paiement de leur loyer. Dans une conférence, qui sera présentée pendant la journée du 16 avril, les deux architectes responsables de ces initiatives présenteront comment leurs équipes ont concrétisé en urgence et surtout avec succès les deux solutions.

 

Du côté de la Société du Plan Nord, l’implantation de la signature électronique pour ses ententes et contrats, conjuguée à l’attribution d’une signature numérique pour l’ensemble de ses employés, a été l’une des initiatives concrètes du printemps 2020. Celle-ci a permis la poursuite des activités de la société d’État de façon sécuritaire, alors que les déplacements étaient limités et que le télétravail était imposé. Brigitte Boulianne, la directrice générale de l’administration et du soutien à la gouvernance, et Karine Candré, la responsable de la transformation numérique viendront en témoigner.

 

Pour des changements pérennes

En 2020, en matière de transformation numérique, la pression exercée sur les organisations publiques, reconnues pour leur désir de stabilité et leur conservatisme, a été plus intense que jamais auparavant. « … Dans le contexte de la COVID, on se rend compte que quelle que soit la situation, la transformation digitale est effectivement le seul levier d’action viable à court terme », écrit d’ailleurs sur son blogue Frédéric Cavazza, directeur général de SYSK (Something You Should Know), un cabinet conseil et formation qui accompagne les moyennes et grandes entreprises dans l'accélération de leur transformation numérique.

 

Bien sûr, la pandémie n’est pas la seule « force » qui pousse les organisations publiques à s’imprégner de l’univers numérique. Alors que le secteur privé avançait déjà rapidement dans la transformation numérique, le secteur public devait inévitablement le rattraper, comme le souligne aussi Deloitte dans l’article mentionné ci-haut. 

 

L’année 2020 a été consacrée à la mise en place de plusieurs initiatives répondant directement à la crise. En 2021, il est temps de sortir de l’urgence pour poursuivre le changement organisationnel vers la concrétisation de la véritable transformation numérique gouvernementale. Il n’y aura pas de retour en arrière. 

 

L’événement Initiatives numériques gouvernementales vise à présenter des projets numériques réalisés par des équipes gouvernementales (municipales, provinciales ou fédérales) et qui ont un impact direct et positif dans la vie des citoyens. Au cours de la journée, six projets concrets seront présentés. Les participants auront aussi l’opportunité de participer à une classe de maître sur la transformation numérique gouvernementale. La programmation complète sera dévoilée dans les prochaines semaines.


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Rédigé en tant que responsable de la programmation de l'événement Initiatives numériques gouvernementales de la Semaine numériQC.

 

mardi 2 février 2021

Les médias pourraient faire partie de la solution

 


Les médias du Québec sont « en train de perdre pied. Le lien qui les rattache à leur société s'effiloche ». Ce n'est pas moi qui le dit. C'est Marie-France Bazzo qui l'écrit dans un essai plus que pertinent qui vient d'être publié chez Boréal.

Quand elle parle des médias, Mme Bazzo le fait au sens large et ne se limite pas uniquement à leur fonction d'information. D'ailleurs, elle reproche à la télé de chercher presque uniquement à nous faire garder le moral avec légèreté, sans chercher à alimenter les débats et à élever les discussions.

Dans l'essai, « Nous méritons mieux, Repenser les médias au Québec », l'animatrice et productrice jette un regard dur mais juste sur les médias québécois. Complaisance, conservatisme, peur des débats, emploi de l'humour pour éviter les réels discussions, nivellement vers le bas, polarisation des positions, non-représentativité.... les médias ne sont plus ancrés dans leur époque alors que leurs publics s'étiolent. (Ce n'est pas uniquement le propre des médias québécois, dirons-nous, mais regardons d'abord dans notre cour.)

Mais, en fait, les médias ne sont même pas ancrés dans leur territoire alors qu'ils oublient (ou ignorent volontairement ou involontairement) des portions de notre histoire qui pourraient aider à contextualiser certaines informations. Et ils se limitent souvent à présenter la métropole et ses environs. Les régions étant généralement mises de côté. Et pourtant... habiter le territoire, n'est-ce pas quelque chose qu'on a entendu souvent au Québec... On n'y est visiblement pas encore. 

Je cite ce passage avec lequel je suis particulièrement d'accord: « Plus que jamais, nous avons besoin de balises, de profondeur de champ, de temps de digestion des événements, et on nous donne à la place du bruit et de la fureur. Nous assistons à un net recul de la pensée critique, à ne pas confondre avec la surabondance des opinions. La pensée critique n'a rien à foutre de l'opinion. Elle se base sur les faits. Elle ne jaillit pas au milieu de commentaires unanimes. Elle requiert du recul, des discussions nourries d'arguments solides et diversifiés, de culture et d'expérience... »

Bref, en ce moment, beaucoup d'opinions sont publiés un peu partout, mais on retrouve peu de mise en relief, d'analyses, qui permettraient de faire du sens dans « ce bruit ambiant ».

De plus, « on se prive de beaucoup en ayant peur de débattre. Le débat est essentiel pour asseoir une démocratie. [...] Une société qui en a peur témoigne de sa frilosité. »

Donc, puisqu'on ne veut pas débattre (pour toutes sortes de raison bonnes et moins bonnes), on se change les idées avec des émissions à saveur humoristique...

Tout ceci n'est probablement pas étranger au fait que l'art rhétorique, le développement de l'esprit critique sont trop peu (voire absents) de nos écoles. Mme Bazzo y fait mention et j'y crois également.

Mais surtout elle marque un point en écrivant: « On pourrait [...] défricher des pistes de solution plutôt que de se lamenter tous sur le même ton ». Effectivement, les médias se font fatalistes et rapporteurs d'info, mais on ne peut pas dire qu'ils soient en mode solution pour regarder devant et proposer de nouvelles avenues collectives.

Cela me ramène à un texte publié récemment par mon ami Clément, justement au sujet des médias: « Tout a l'air d'être devenu grave, irréversible ou catastrophique ». Je me suis beaucoup reconnue dans son texte.

Il écrit: « J’aimerais voir à la une des journaux des textes nuancés. Des textes qui engagent les lecteurs au lieu de leur faire baisser les bras. Des textes qui donnent envie de poser des gestes, au lieu de se dire que ça ne sert à rien. Des textes qui font des lecteurs des acteurs sociaux à part entière au lieu d’en faire des spectateurs-commentateurs des décisions prises par d’autres ».

J'ai déjà écrit que j'avais mal à mon diplôme (étant diplômée de journalisme). Il y a 5 ans déjà et ça n'a pas changé, mais je garde espoir que de nouvelles formes de journalisme, de divertissement prendront forme et seront un peu plus synonyme d'ouverture, de réflexion et porteur de solutions. Je me dis que de nouvelles voix pourront s'élever, même si elles n'auront jamais aussi d'impact que les médias de masse. Je sais qu'il est possible de faire du journalisme positif, car c'est ce que nous faisons à l'École branchée.

Personnellement, ce que je déplore le plus des médias québécois, c'est:

  • De verser dans la nouvelle éphémère: La nouvelle d'aujourd'hui sera vite oubliée demain et on n'aura plus jamais de suivi alors que cela pourrait être pertinent.
  • De manquer de profondeur: En étant dans l'éphémère, on ne creuse pas les nouvelles, on ne met pas en contexte, en perspective. Il y a tellement de nuances et d'angles différents pour chaque nouvelle.
  • De ne pas être représentatif: Je suis une fille de région et je défendrai toujours le droit des régions d'être visibles, d'exister pour vrai dans les médias. Ce n'est pas le cas présentement.
Et puis, comme d'autres, je m'éloigne des médias, lentement mais sûrement. Je m'informe de moins en moins. Je ne suis plus capable du catastrophisme, du superficiel... Avant, je ne pouvais manquer le bulletin de nouvelles de 18h. Maintenant, je vais prendre une marche après avoir entendu les grands titres du jour.

En ce moment, tout invite à faire autrement, à regarder vers l'avenir avec un regard nouveau, les médias devraient s'y mettent aussi.

Ressource en prime pour les éducateurs:
Former à s’informer : développer l’esprit critique ! Comment éduquer et accompagner les adolescents et les jeunes adultes dans l’univers médiatique contemporain pour les aider à grandir ?