vendredi 27 septembre 2019

La transformation numérique est en marche… vous embarquez?


La semaine dernière, j'ai eu l'occasion de présenter une conférence lors de l'événement ProTIC19, organisé par le Technocentre des technologies de l'information et des communications. Il s'agit d'un événement annuel qui réunit plusieurs professionnels oeuvrant dans le secteur numérique dans la région de la Gaspésie.

Dans ma vie passée, chez Québec numérique, j'avais déjà eu l'occasion de côtoyer plusieurs des personnes présentes et surtout de vivre le dynamisme de la communauté numérique gaspésienne. C'était donc un honneur pour moi de me rendre sur place à Carleton-sur-mer pour participer à l'événement. Je les remercie d'ailleurs pour l'accueil chaleureux.

L'organisation m'avait sollicitée pour présenter les différentes stratégies numériques qui sont actuellement en vigueur au gouvernement du Québec, et qui touche plus particulièrement la région de la Gaspésie.

Comme la conférence n'a pas été enregistrée ni webdiffusée, je prends le temps de reproduire une partie de mes propos au bénéfice du plus grand nombre, en plus de rendre disponible ma présentation en format PDF.

D'entrée de jeu, j'ai tenu à rappeler qui je suis. Oui, je suis aujourd'hui conseillère politique pour le ministre délégué à la transformation numérique gouvernemental du Québec, mais il y a longtemps que je baigne dans l'univers numérique. Il s'agit d'un sujet qui me passionne. Je crois sincèrement aux effets positifs que peut avoir l'intégration des technologies et je m'en fais une ardente défenderesse depuis des années. Je suis dans une philosophie d'actions; chaque geste compte et à le potentiel de faire boule de neige.

Les technologies et le numérique sont bien présents au gouvernement du Québec. La gouvernance a été jusqu'à maintenant très décentralisée. Il est parfois difficile de s'y retrouver parmi tous les projets en cours dans les différentes ministères et organismes. C'est un choc que j'ai eu en arrivant au cabinet du ministre Éric Caire.

Par contre, je sens que nous vivons actuellement un tournant. Nous sommes à l'aube de quelque chose. La volonté d'avancer plus vite dans la transformation numérique semble là et surtout d'avancer avec de plus en plus de cohérence, de collaboration et de partage à l'intérieur de la communauté gouvernementale. Il y a un intérêt et une curiosité en tout cas. C'est positif.

Je me permets de parler aujourd'hui de communauté gouvernementale. Cependant, jusqu'à maintenant, les stratégies / plans d'actions / politiques en lien avec le numérique avaient été des initiatives plutôt sectorielles (culture, éducation, économie, etc.) avec des objectifs d'accompagnement à l'utilisation du numérique, de maillage entre les acteurs sectorielles, de collaboration et de partage avec la communauté, de développement économique.

Premier plan numérique à avoir été adopté en 2014, il se poursuit jusqu'en 2021. Il vise principalement l'accompagnement et l'appropriation du numérique au sein des organismes culturels, ainsi que la visibilité et le rayonnement des contenus culturels.

J'ai notamment mentionné la stratégie d'accompagnement Culture/NumériQC offerte gratuitement à l'ensemble des acteurs du secteur culturel (mesure 99 du plan) et le nouveau Réseau des agents de développement culturel numérique (ADN) (mesure 120) qui vient d'être créé. Ce réseau vise à offrir un soutien supplémentaire aux différents milieux culturels, spécialement en ce qui concerne le développement de la culture des données. C'est deux mesures m'apparaissent très intéressantes étant donné qu'elles visent la gestion du changement et l'accompagnement dans l'appropriation de nouvelles pratiques.
Lancé en grande pompe en juin 2018, le Plan d'action numérique en éducation poursuit son déploiement. Il vise à la fois le développement des compétences numériques chez les apprenants, jeunes ou adultes, la valorisation du numérique comme outil dans les pratiques d'enseignement et la mise en place d'environnement propice au déploiement du numérique dans les écoles. 

L'un des jalons importants du PAN est le Cadre de référence de la compétence numérique qui a été publié en avril dernier. J'avais d'ailleurs rédigé un billet à ce moment pour saluer cette initiative. Le cadre devient un guide pour le milieu scolaire mais aussi pour le marché du travail et les secteurs de la formation continue. Il met notamment à l'avant la notion d'agir en citoyen éthique à l'ère du numérique et le développement des habiletés technologiques.

Plusieurs formations (auto formations et we binaires) ont été produites afin d'appuyer les enseignants et les gestionnaires scolaires dans l'appropriation du numérique. Ils sont toujours disponibles en ligneUne journée d'initiation du numérique en éducation pour les débutants est aussi en préparation pour le 8 novembre.

Ce nouveau plan lancé en février 2019 contient plusieurs mesures en lien avec la formation des travailleurs afin d'intégrer le plus grand nombre de personne au marché du travail, d'adapter la main d'oeuvre actuelle, de préparer la main-d'oeuvre du future et d'accroître la productivité des entreprises. 

Le plan propose par exemple le remboursement de 85% des frais de formation des travailleurs liée à l'acquisition de nouveaux équipements plus modernes et technologiques dans les entreprises. La formation en lien avec l'intelligence artificielle sont aussi soutenue par le plan. 

Lorsqu'on pense aux actions en économie, on pense immédiatement au programme Québec branché, qui vise le branchement des villes et régions à Internet haute vitesse. Ce programme se poursuit actuellement et il fera bientôt place à un nouveau programme Québec Haut débit, annoncé dans le budget provincial 2019-2020.

Le Plan d'action en économie numérique compte plusieurs mesures d'aide financière pour les entreprises du Québec. Il faut surveiller les appels à projets qui sont publiés régulièrement pour voir le potentiel d'activités économiques nouvelles. Il se décline en 5 axes qui vise entre autres à stimuler les innovations par les technologies et les données et à renforcer la position du secteur des TIC comme chef de file mondial.

Un axe vise l'accélération de la transformation des entreprises et l'adoption du commerce électronique. J'ai d'ailleurs mentionné le programme Virage numérique pour les détaillants québécois, qui a déjà permis à plusieurs entreprises du secteur du commerce de détail de prendre le virage au cours des derniers mois.

Même si elle ne constitue pas une stratégie officielle au même titre que les autres, je tenais à mentionner le programme EDNET, mis en place par le ministère du Tourisme et administré par les associations touristiques régionales (ATR). Chaque ATR déploie le programme de façon individuelle. Les organismes touristiques (à but lucratif ou non) peuvent obtenir de l'aide financière sur deux volets: déterminer leurs besoins en lien avec le développement numérique (diagnostic) et réaliser des projets précis.

Ce qui a changé depuis octobre 2018?
Le Québec a maintenant un ministre délégué à la Transformation numérique gouvernementale, Éric Caire, et une Stratégie de transformation numérique gouvernementale a été lancé en juin. Cette stratégie offre une vision gouvernementale, qui deviendra commune à l’ensemble des ministères et organismes. 

Elle vise à rallier l’ensemble de la communauté gouvernementale autour d’objectifs communs. D’ailleurs, des plans de transformation numérique ont été demandé à chacun au cours des derniers jours. Ils seront mis en commun pour présenter un portrait gouvernemental.

Ces actions visent au final à établir une plus grande cohérence dans le développement du numérique au gouvernement du Québec, à favoriser la mise en commun des ressources et projets, à concerter les actions afin de réduire les dédoublements et les décisions prises en silo. Ces actions visent à mobiliser tous les acteurs dans un mouvement de changement. 

Je dois dire que je suis très optimiste par rapport à la Stratégie. Il est si facile de faire preuve de cynisme. Je crois qu’il faut se donner une chance de réussir. Nous avons pensé la Stratégie comme un tout ambitieux mais réaliste à la portée des organisations gouvernementales mais aussi externes au gouvernement, comme les municipalités. Elles aussi pourraient choisir d’adhérer à nos ambitions et cibles.

La Stratégie est accompagnée de 16 mesures clés qui sont en train de se déployer, comme le lancement d’une offre de formation sur le numérique, le modernisation du cadre légal, la mise en place de plateforme à portée gouvernementale (notamment une plateforme de consultation publique à propos de laquelle je vous donnerai plus d’information sous peu). 

Un baromètre numérique sera même produit afin de permettre au public de suivre la progression de la transformation numérique de l’État.

Le Centre québécois d’excellence numérique (CQEN)
Dans la foulée du lancement de la stratégie, un accélérateur pour propulser la transformation au sein du gouvernement du Québec a été créé : le CQEN, une unité du Secrétariat du Conseil du Trésor. Le mandat du CQEN est d’accélérer et de faciliter la transformation numérique en favorisant le partage et la collaboration.

L’équipe travaillera sur plusieurs fronts en lien avec la gouvernance, les compétences, l’innovation, l’architecture, la gestion et la sécurité de l’information, la performance. L’un des objectifs du CQEN est aussi de se rapprocher de l’écosystème numérique. J’ai donc profité de ma conférence (et je le redis ici) pour transmettre le message que le gouvernement du Québec s’ouvre à la communauté. Les échanges avec le milieu sont importants pour nous et nous voulons les accroître.

Dans l'actualité
Je ne pouvais pas passer sous silence certains dossiers plus d'actualités qui concernent le ministre délégué à la Transformation numérique gouvernementale: 

  • la plateforme d'authentification et d'identification gouvernementale, Accès UniQC, pour laquelle le dossier d'affaires est en préparation; 
  • les travaux en cours afin de renforcer la sécurité de l'information, qui passe notamment par la création d'une unité de cyberdéfense et qui donnera lieu à la publication d'une Politique québécoise de cybersécurité;
  • le projet de loi no37 visant principalement à instituer le Centre d'acquisitions gouvernementales et Infrastructures technologiques Québec et qui signifie la dissolution du Centre de service partagé du Québec (CSPQ).

Le mot de la fin
Au final, le message que je voulais passer est que nous avons tous un rôle à jouer dans la transformation numérique du gouvernement et de notre société. Il revient à chacun d'emboîter le pas et de devenir un agent de changement, un agent mobilisateur dans son milieu. Il est facile de critiquer mais le numérique passera par des convertis qui auront un discours assez forts et convaincants pour entraîner d'autres personnes dans la vague. Le numérique n'est plus une option, il est un allié de taille pour notre société. À nous de nous l'approprier à bon escient pour en faire un accélérateur, un outil d'efficacité et de mobilisation. 


En terminant ce billet qui est déjà beaucoup trop long, je tiens à dire que j'ai été encore une fois agréablement enchantée par le dynamisme gaspésienne. Cette communauté tissée serrée développe des projets incroyables compte tenu du contexte territorial pas toujours évident. La Gaspésie est d'ailleurs la seule région administrative du Québec a avoir mis en place sa propre Stratégie numérique. Bravo!

* Crédit photo: La nomade photographie


lundi 2 septembre 2019

Cacher ce cellulaire que je ne saurais voir...


Ce n'est pas la première fois que j'écris au sujet de l'éducation et de l'utilisation des technologies de l'information et de la communication, au sujet de l'usage qu'en font nos jeunes et de l'importance des les accompagner pour qu'il en fasse un usage adéquat. Ces sujets m'intéressent au plus haut point.

Le 28 avril dernier, j'écrivais:
«... ce n'est pas parce que tout se transforme autour de nous que nous savons comment utiliser ces outils à bon escient. Il y a toujours deux côtés à une médaille: ils peuvent propulser votre carrière en avant ou la détruire à tout jamais. Le meilleur et le pire peuvent arriver avec le numérique. Voilà pourquoi il devient si déterminant d'apprendre à s'en servir intelligemment, adéquatement, de façon éthique... ».
Cela vaut autant pour les jeunes que les adultes.

Dans ce domaine, ma philosophie a toujours été et demeurera: éduquer plutôt que censurer. En 2006, je produisais d'ailleurs un magazine qui en faisant son thème principal. Le magazine l'École branchée poursuit aujourd'hui sa mission de promouvoir l'usage pédagogique du numérique à l'école.

À l'occasion de la rentrée scolaire, le Journal de Québec se penche sur l'usage du cellulaire à l'école. On généralise en parlant d'interdiction du cellulaire dans des écoles en France. Ce n'est pas clair si les autres appareils technos sont aussi interdits. Ce n'est pas clair si les élèves ont quand même des cours d'informatique (ou des cours où les appareils sont permis) afin d'acquérir certaines notions. Ont-ils l'occasion de s'initier à la robotique et à la programmation? Les réponses viendront peut-être dans la suite prévu cette semaine.

Pour le moment, je choisis de retenir de ce dossier la citation suivante (qui est très très loin dans le texte, surtout dans la version en ligne):
« Le cellulaire est un problème majeur, mais en interdisant, est-ce qu'on éduque vraiment? On s'imagine qu'on a réglé le problème, mais ce n'est pas le cas. »
Cette citation est de Thierry Karsenti, professeur à l'Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies de l'information et de la communication en éducation.

Elle vient résumer la problématique. Oui, il existe un urgent besoin d'outiller les jeunes dans l'usage qu'ils font de leurs appareils électroniques. Il y a un temps pour chaque chose et chaque chose en son temps. Par contre, en interdisant tout simplement, on se ferme les yeux et on passe à côté d'une excellente occasion de sensibiliser.

Interdire dans certaines situations, d'accord. Mais interdire mur à mur, non.

Des règles simples peuvent être mises en place par les écoles (comme cela peut aussi être le cas à la maison).
  • En classe, par exemple, l'utilisation d'un appareil comme un iPad, un ordinateur ou un cellulaire peut être réservé uniquement pour les tâches scolaires. Si on en a pas besoin pendant un cours donné, on le laisse à la porte dans un contenant prévu à cet effet ou dans son casier.
  • Au début du cours, tous les appareils sont éteints (en mode veille).
  • Les notifications sont désactivées en tout temps à l'école.
  • L'utilisation des appareils est permise dans certaines zones de l'école seulement.
  • Une charte est signée par les élèves en début d'année scolaire (utilisation éthique, sécuritaire et responsable dans le respect des autres personnes dans l'école).
Ces exemples sont tirés des règles d'utilisation signés par moi et ma fille en début d'année scolaire dans l'école qu'elle fréquente. Elle est dans un programme de langues internationales dans une école publique et la majorité de ses "cahiers scolaires" sont numériques.

Les temps ont changé

Encadrer, accompagner, cela implique d'abord de reconnaître que les technologies sont là pour rester. Ben oui! La transformation numérique est sur toutes les lèvres dans plusieurs sphères de la société. Les reproches à l'effet que l'école n'a pas beaucoup changé depuis un siècle sont pourtant légions. Le monde a changé. L'école doit s'adapter et devenir un reflet de la société.

Dans les médias d'aujourd'hui, je choisis surtout de retenir le texte de Marc-André Girard, directeur des services pédagogiques du Collège Durocher de Saint-Lambert, publié dans La Presse Plus. Prenez le temps de le lire au complet, mais en voici un résumé.

« Essentiellement, il s'agit de comprendre et surtout d'accepter que les technologies soient ancrées dans la vie de nos élèves et que, bien qu'il faille reconnaître les dangers de dérives, il y a néanmoins un énorme potentiel à exploiter pour enrichir autant la démarche pédagogique que celle liée à l'apprentissage. »

Dans son texte, il rappelle que les enseignants jouent un rôle de premier plan pour aider les jeunes à développer leur esprit critique, pour qu'ils apprennent à faire une utilisation réfléchie des technologies, pour qu'ils deviennent des citoyens avisés à l'ère du numérique. Bref, l'école n'a pas à être ou à devenir une cloche de verre sous laquelle les élèves sont isolés du reste du monde.

« Ce n'est donc pas en interdisant les outils qui sont pourtant utilisés et valorisés partout ailleurs dans la société que les milieux scolaires agiront de façon cohérente avec leur propre mission: éduquer les élèves et les préparer à leur vie adulte. »

Il rappelle également que, de tout temps, les adultes ont jugé « le présent à partir de [leurs] rapports au passé », en ayant une vision idyllique du passé et en se disant que c'était « donc bien mieux avant ».

J'ajouterai qu'ils ne regardent pas toujours leurs propres comportements avant de critiquer les jeunes (allô les 53% d'adultes qui consultent leur téléphone cellulaire pendant des réunions!) et qu'ils ont tendance à se donner l'absolution simplement parce qu'ils sont adultes. Ça donne à réfléchir...

La situation est complexe. Elle est composée de plusieurs sujets à considérer indépendamment. Il y a l'utilisation à des fins personnelles (divertissement, médias sociaux, jeux vidéos, etc.) et celle pour le travail scolaire ou professionnel (outils liés à la production, à la consultation, recherche et collaboration, etc.). Parfois, les univers s'entrecroisent, les compétences à développer se ressemblent. Le ministère de l'Éducation du Québec a d'ailleurs publié un cadre de référence concernant la compétence numérique ce printemps. Je pourrais aussi aborder ce qu'on appelle la dépendance aux écrans dans un autre billet.

Il faut prendre chaque aspect pour ce qu'il est et éviter de généraliser lorsqu'il est question de technologies. Il faut surtout saisir l'occasion de faire de nos jeunes de véritables citoyens du XXIe siècle, qui maîtrisent des compétences dont ils ont besoin pour prendre leur place dans la société d'aujourd'hui et de demain.