samedi 29 octobre 2022

Chronique scolaire



Le début d'une nouvelle année scolaire amène toujours son lot d'histoire à raconter. L'an dernier, j'en avais fait un billet dès la première journée. Cette année, j'ai tardé un peu. Par manque de temps surtout. Certainement pas par manque de sujets à aborder!

Le début d'une nouvelle année scolaire, pour un jeune, c'est découvrir de nouveaux enseignants et s'adapter à leur style. C'est recommencer à vivre au rythme des règles de vie scolaire. C'est renouer des amitiés et en tisser de nouvelles. Les premières semaines sont un enchaînement de découvertes positives ou... surprenantes.

Au royaume de l'utilisation du cellulaire en classe, la confusion règne. Certains enseignants autorisent les élèves à le laisser sur leur bureau, d'autres ne veulent pas le voir du tout. Certains piquent des colères mémorables à leur sujet, d'autres l'utilisent pour réaliser des activités en classe. « Il faut simplement se souvenir quel prof autorise quel comportement. » 

Au sujet de l'intégration du numérique, on repassera dans certains cas alors que le cahier d'activités est toujours roi et maître (oui, même en 5e secondaire). Il y a l'enseignant qui fait faire des travaux dans Classroom, mais demandent de remettre une copie imprimée. Heureusement, il a aussi ceux et celles qui autorisent les recherches en ligne, qui donnent le choix des outils, qui proposent des projets stimulants. Chaque enseignant est vite catégorisé par les élèves (c'est ingrat, je sais). Il y en a des « plus cool » que d'autres qui feront en sorte que les élèves trouveront du plaisir à apprendre. 

Vous l'avez compris, c'est beaucoup à travers les discussions que j'ai avec ma fille que je vis la rentrée scolaire. Les communications directes que j'ai avec l'école se résument pas mal en une accumulation de notifications pour de nouveaux résultats affichés dans le portail Mozaik. La première communication qui m'a dit que ma fille « répond parfaitement aux attentes du programme » et à un « excellent comportement ». Et le premier bulletin qui arrivera dans deux semaines.

Ce premier bulletin est probablement ce qu'on pourrait appeler le « bulletin de trop ». Oui, je sais, ce n'est pas la faute des enseignants si le 3e bulletin est de retour. N'empêche, il a causé tant de stress dans ma maison au cours des dernières semaines. Alors que certains enseignants veulent passer leur matière chargée, les examens se sont multipliés en prévision de la préparation de celui-ci. Il faut dire que les enseignants n'ont pas tous la même attitude face à l'évaluation. Ça fait un bel amalgame et ça fait grimper la pression. On peut comprendre quand tu te retrouves avec trois examens dans la même journée : math, chimie et physique.

Après deux années de pandémie, le retour à la « normale » est définitivement une situation stressante pour bien des jeunes. Comment faire comme si de rien n'était? Pourquoi surtout? On parle de plus en plus d'inégalité, elle est bien visible. Je me compte chanceuse, ma fille est une performante. Mais ce que j'entends n'est pas toujours reluisant. Il y a des dommages collatéraux sur lesquels il faudra se pencher, plus tôt que tard.

Ma fille est en cinquième secondaire, je commence à entendre parler de cégep, de choix de programme, de performance pour être acceptée dans tel ou tel programme, etc. Ce seront bientôt les portes ouvertes dans les Cégeps. Je me demande : « comment ces jeunes seront-ils accueillis dans les établissements? Est-ce que là aussi l'enseignement est sur le pilote automatique, comme avant? ». 

Le milieu de l'éducation a besoin d'un bon coup de renouveau. Pour tenir compte des deux dernières années. Pour garantir la réussite du plus grand nombre (pour vrai). Pour amener les jeunes à aimer apprendre, à se sentir bien à l'école, à ne pas y aller à reculons le matin. Pour offrir des milieux stimulants qui ouvrent des horizons pour l'avenir. Ce n'est plus de la peinture que ça prend pour cacher les défauts sur le mur. C'est une véritable rénovation. Même la fondation aura besoin d'être revue et solidifiée. 

Beaucoup de réflexion sont en cours en ce moment dans les milieux, je le sais. Certains milieux sont en action. C'est excellent. Leurs actions sont inspirantes. J'en vois beaucoup passer par le biais de mon travail avec L'École branchée. Par contre, nous en sommes encore aux initiatives locales. Donc, elles ne touchent pas tous les jeunes (inégalités quand tu nous tiens). Et puis, tu as beau être super innovant, si tu es coincé dans une boîte administrative rigide, tu vas atteindre tes limites un jour ou l'autre. 

Je me demande bien ce que ça prendra pour que l'on bouge dans les hautes sphères pour offrir des milieux scolaires dignes du XXIe siècle à nos jeunes.



mercredi 5 octobre 2022

Et si on parlait un peu de numérique ?



En 2018, à l’aube de l’élection provinciale qui allait faire élire la Coalition avenir Québec pour la première fois dans la province, nous étions trois blogueurs* qui s’étaient réunis pour interpeler les principaux partis politiques au sujet de leur vision du développement numérique.


Huit questions avaient été posées en lien avec les thèmes suivants : L’innovation, La stratégie numérique et l’administration publique, L’accès à l’information, Le commerce en ligne, La culture, La démocratie, L’éducation et Le développement régional. Les liens vers les réponses de l’époque sont encore disponibles en ligne, à partir de cet article.


En les relisant, je ne peux que constater que notre monde a bien changé en quatre ans, mais que plusieurs enjeux sont demeurés les mêmes.


Quatre ans plus tard, je ne pouvais pas laisser cette campagne se dérouler sans y mettre mon petit grain de

sel.


C'est ainsi qu'en 2022, il n'y a pas eu de questions, mais une lettre ouverte.

 

Elle a été rédigée avec Yves Williams, accompagnateur numérique, et Stéphane Ricoul, expert de l'économie numérique.  Avec des échanges dans un Google Document, des commentaires et des discussions dans un canal Telegram, le processus est allé bon train. Je me réjouis même tout autant du contenu de la lettre que de la fluidité et efficacité de notre collaboration. C'est la preuve qu'on n'a pas toujours besoin d'être physiquement dans la même pièce pour réaliser un projet commun.


Nous avons fait relire nos écrits par un petit groupe en privé. Puis, il nous est venu l'idée de recueillir aussi des appuis, sous forme de co-signataires. C'est ainsi que Yves (merci!) s'est retrouvé à acheter un nom de domaine, à créer un mini-site Web et à brancher un Google Analytics.


Le résultat est simple, mais efficace pour ce que nous voulions faire : http://numerique-ouvronsledebat.ca/


Le contenu de la lettre et la liste des co-signataires s'y trouvent. J'ai aussi republié la lettre sur ce blogue.


La lettre a aussi été publiée pour la première fois dans La Presse Plus (merci à Stéphane pour les démarches!). D'autres publications ont suivi. Afin de garder des traces des retombées de l'exercice, je souhaitais publier une petite revue de presse ici.


Revue de presse :

« Je salue l’initiative du gouvernement d’avoir créé un ministère relatif au numérique, mais j’ai toujours milité contre un tel organe, et pour la création d’une autre entité, d’une direction générale ou d’une société d’État numérique, beaucoup plus transversale et transministérielle, adéquatement financée et dotée d’un pouvoir d’action concret. Ce serait un organisme chargé d’accompagner l’ensemble des ministères pour comprendre ce qu’il faut modifier dans chacune des lois s’ajuster à ce que le numérique nous offre aujourd’hui. »



L'élection provinciale a eu lieu le 3 octobre 2022. Le gouvernement de la Coalition Avenir Québec a été élu pour un deuxième mandat majoritaire. Il est certain que nous allons suivre la mise en place du nouveau conseil des ministres, puis les décisions à venir en matière de transformation numérique de la société et de l'État québécois.



*À l’époque (2018), Clément Laberge, consultant indépendant dans le domaine du numérique, de la culture et de l’éducation, Martine Rioux, citoyenne et blogueuse engagée dans l’intégration du numérique, Yves Williams, entrepreneur, consultant numérique et blogueur. 

Société numérique: ouvrons le débat!

 


Cette lettre ouverte, rédigée à l'occasion de la campagne électorale québécoise de 2022, a également été publiée sur site Web : numerique-ouvronsledebat.ca

Le billet Et si on parlait un peu de numérique? explique la démarche derrière sa rédaction.

==

La campagne électorale est commencée depuis deux semaines; ni les partis politiques, ni les commentateurs et analystes n’ont abordé la question de l’impact de la transformation numérique du Québec. Non seulement, cette question ne fait pas partie des priorités des candidats, elle est même évacuée des priorités électorales par les médias.

Pourtant, l’impact de cette transformation est omniprésent. Toutes les dimensions de l’activité gouvernementale, sociale et économique seront affectées au cours des prochaines années, tout comme elles l’ont déjà été au cours des 20 dernières.

L’économie, la santé, l’environnement, la culture, l’éducation, qui sont parmi les principaux thèmes de la campagne de tous les partis, ont pour dénominateur commun d’être des domaines où l'utilisation des technologies numériques est toujours de plus en plus importante. Même les règles de la vie démocratique sont bousculées par l’essor de nouveaux canaux de communication proposés par des technologies aussi innovantes qu'opaques dans leur fonctionnement.

En 2021, 97 % des Québécois possédaient au moins un appareil numérique et 93 % des foyers étaient branchés à Internet. L’apprentissage en ligne s’est démocratisé, le télétravail s’est généralisé, les produits culturels sont de plus en plus consommés au moyen de plateformes de diffusion, les objets connectés nous suivent à la trace pour surveiller nos moindres déplacements, notre état de santé, nos contacts, nos achats (souvent en n’incluant qu’un consentement approximatif).

Les technologies numériques sont des leviers inouïs pour répondre aux enjeux de société de notre temps. Elles permettent d’accéder à des savoirs jusque-là inaccessibles, de contribuer à la productivité de nos entreprises, de pallier le rétrécissement du bassin de main-d'œuvre, d’accroître les découvertes médicales et leur partage, de faciliter les communications entre les administrations publiques et les citoyens; elles pourraient même devenir un atout important dans la lutte aux changements climatiques. À l’inverse, elles provoquent aussi des effets pervers indéniables : choc des cultures, fuite de renseignements personnels, nouvelles fractures sociales, polarisation des débats, cyberintimidation, cyberattaque, redéfinition des frontières de nos vies privées, etc.

Il est donc inquiétant de constater aujourd’hui la nonchalance des partis à développer une ligne politique cohérente sur le numérique. Les technologies numériques ne sont pas neutres et leur utilisation peut entraîner des divergences de vues au sein même de notre société.

Les gouvernements ne peuvent plus minimiser les questions numériques comme s'il ne s'agissait que d'infrastructures, de méthodes informatiques, de câbles et de programmes d'accompagnement. Le numérique refaçonne le rapport entre les entreprises et la population, entre l’administration publique et les citoyens, et entre chacun d’entre nous. Le numérique a un effet structurant sur notre façon de penser, de vivre, d'échanger, de consommer, d'aimer, et de faire évoluer notre démocratie. La transformation numérique de notre société est liée aux pouvoirs politiques et doit être conduite comme telle.

Les partis politiques ne peuvent plus se défiler. Les enjeux sociaux sont grands, les impacts possibles immenses.

Jusqu’à maintenant, aucun gouvernement n’a assumé le leadership auquel nous nous attendions. Ni pour soutenir la transformation numérique de la société, encore moins pour chercher à la comprendre. Au fil des ans, les gouvernements sont apparus mal préparés et en mode improvisation lorsque certains enjeux faisaient tout à coup la manchette.  

Aujourd’hui, est-ce qu’un seul des partis est en mesure d’avoir une vision pour s’assurer : 

  • que les technologies numériques puissent devenir des alliés puissants du développement régional et des outils de croissance pour les entreprises où qu’elles se trouvent sur le territoire; 

  • que le commerce en ligne se développe à l’avantage des économies locales et des consommateurs

  • que les milieux artistiques, médiatiques et culturels soient mieux servis par les nouvelles formes de diffusion et de distribution, et non plus simplement menacées par elles; 

  • que l'éducation publique puisse tirer profit des possibilités numériques pour offrir des parcours de formation plus adaptés aux apprenants et aux réalités actuelles; 

  • que l’écosystème communautaire puisse utiliser les technologies numériques pour accélérer le rayonnement des valeurs inclusives dans notre société; 

  • que l'intelligence artificielle, qui s’intègre de plus en plus aux processus administratifs, respecte les plus hauts standards d'éthique et soit libre de biais sociaux; 

  • que les stratégies numériques soient établies en cohérence avec l’action climatique, en tenant compte du fait que le numérique est à la fois un accélérateur du dérèglement climatique et une source potentielle de solutions;  

  • que le gouvernement adhère à des principes de développement numérique responsable, attentifs aux exclusions que l’intensification des usages numériques va produire afin de permettre à chaque citoyen de jouer son rôle à part entière;

  • que l'innovation devienne une valeur forte dans l’administration publique?

Aujourd’hui, est-ce qu’un seul des partis est en mesure d’envisager la création d’un organisme indépendant et adéquatement financé, chargé de conseiller le gouvernement et le public sur les enjeux du numérique?

Aujourd’hui, est-ce qu’un seul des partis peut défendre les principes d’une souveraineté numérique, tant dans les moyens technologiques, dans la formation que dans la préservation de nos informations privées ?

Au début de 2023, les nombreux plans d’actions mis en place par le gouvernement en matière de numérique arrivent à échéance. Il faudra repenser les stratégies, mesures et calendriers d’activités rapidement au lendemain des élections. Rien n’a encore été divulgué quant à leur continuité. Ce sera un exercice complexe et délicat; tout autant que le fut la révision de la loi sur la protection des renseignements personnels. Chacun des plans est intimement relié aux autres et ne saurait plus être traité indépendamment, comme ce fût le cas jusqu’à aujourd’hui. Les questions du numérique sont si transversales et leurs impacts si structurants qu’elles imposent d’avoir une vision d’ensemble forte

Nous faisons donc appel aux leaders des partis politiques, afin qu’ils et elle profitent des semaines de campagne qui restent pour amorcer la discussion sur la société numérique que nous souhaitons collectivement nous donner. Aurez-vous le courage d’ouvrir le débat ?


À l’initiative de :   Martine Rioux, Chargée de projets d’édition numérique Stéphane Ricoul, Expert en économie numérique Yves Williams, Accompagnateur numérique


Parmi les cosignataires:

Dominique Leclerc, Scénariste, dramaturge, réalisatrice; Francis Gosselin, Ph.D., Économiste et consultant; Mathieu Halle, Entrepreneur, président et cofondateur; Stéphane Roche, ing., Ph.D., Professeur titulaire de sciences géomatiques; Annie Chénier, Accompagnatrice dans la transformation numérique; Bruno Santerre, Coordonnateur de programme Intégration multimédia; Denis Martel, Stratège numérique; Guillaume Morissette, Directeur de la recherche et développement.

Pour consulter la liste complète des cosignataires.