dimanche 24 avril 2016

Ode au Québec rural

Ce matin, il y avait un très bon texte de Myriam Ségal dans Le journal de Québec, Branchés de force. Ce texte fait un retour sur la manchette de la semaine à l'effet que le gouvernement souhaite amender le Code du bâtiment « pour qu'on équipe toutes les constructions neuves d'une sortie 240 volts pour accueillir les actuelles bornes de recharge pour voiture électrique ».

Ce qu'elle écrit résume très bien ce que je pense de ce dossier. Je vous encourage donc à le lire.

Si j'écris ici ce soir, c'est à cause de cette phrase qui a retenu plus particulièrement mon attention dans son texte:

« Les ruraux subiront encore une mesure tout urbaine! »

Au cours de l'hiver et des dernières semaines, j'ai eu l'occasion de me déplacer à quelques reprises dans les régions du Québec: Bas-St-Laurent, Estrie... À chaque fois, je me disais : « Les gens qui vivent ici ne doivent tellement pas se reconnaître dans les manchettes gouvernementales, dans ce qu'ils entendent dans les médias ».

T'sé, quand l'hiver, tu ne peux pas sortir de chez toi pendant des jours parce qu'on ne voit ni ciel ni terre. Je l'ai déjà vécu dans mon enfance à La Pocatière et j'ai eu un rappel en passant par Kamouraska en février (et il faisait soleil à Québec ce jour-là!). Quand tu vis ça, tu comprends mieux que l'économie tourne au ralenti dans certaines régions en hiver. Tu comprends que la culture, les cinémas et les théâtres et même la bibliothèque municipale, ce n'est pas toujours si accessibles. Tu comprends qu'aller au restaurant les soirs de semaine et même la fin de semaine, ça peut être un gros luxe.

T'sé, quand l'épicerie (et je ne parle même pas du supermarché) est à des kilomètres de la maison, t'es mieux de rien oublier la prochaine fois que tu vas y aller. Si tu as une voiture électrique, même pas sûr que tu vas te rendre en raison du nombre de kilomètres à franchir... et imagine si il neige et que tu as des lames de neige à traverser sur la route, tu es mieux d'avoir une voiture assez grosse....  Parfois, il faudra que tu passes par un chemin de terre pour te rendre parce que l'achalandage n'est pas assez important pour qu'on asphalte la route où tu habites. Les nid-de-poule, connaît pas, ce sont plutôt des trous de terre chez toi au printemps.

Je ne dis pas que les ruraux sont coupés du reste du monde, mais leur réalité quotidienne est complètement différente. En ville, c'est facile de l'oublier. Je suis la première à le faire. Comme je l'ai écrit, je viens moi-même de la campagne. J'ai été élevée sur une ferme laitière avec le lot de contraintes et de joie que ça comporte! Je pense qu'il faut peut-être l'avoir vécu pour savoir vraiment ce que c'est que de vivre « en région ».

Pendant qu'on s'obstine sur le nombre de Syriens à accueillir au Québec, le seul immigrant qu'ils ont jamais vu est peut-être une oie blanche. (J'exagère, un peu, ici quand même!)

Pendant qu'on parle d'investir des milliards pour favoriser le transport en commun, ils veulent seulement qu'on déneige leur rue convenablement en hiver pour que l'autobus scolaire puisse passer et que le livraison du journal se fasse le jour même et non le lendemain.

Pendant qu'on déchire notre chemise en public pour l'industrie du taxi, ils rêvent d'un service comme Uber parce qu'il n'y a même pas de taxi dans leur municipalité!

Pendant qu'on chiale sur le prix des fruits et légumes à l'épicerie, ils se demandent comment ils vont faire pour trouver de la main-d'oeuvre pour les faire pousser et les récolter cette année. Ils ne doivent pas la payer trop cher cette main-d'oeuvre en plus si ils veulent vous les vendre à bon marché. Puis, ils pensent à la fosse à purin qu'ils devraient installer cette année pour respecter les normes environnementales, pis il y a le pickup à changer aussi. Ils vont racheter un truck « polluant, mal vu en ville » parce que transporter des outils agricoles, ça va mal avec une Yaris. Pour ça, ils vont payer plus cher de plaques et de gaz!

Pendant qu'on milite pour l'implantation d'un registre des armes à feu, ils veulent juste pouvoir continuer d'aller à la chasse à l'orignal, aux chevreuils et autres bibittes sauvages pour avoir de la bonne viande pour nourrir leur famille pendant l'hiver (quand la viande sera trop cher à l'épicerie - vous savez c'est quoi - ou même carrément rare sur les tablettes). Et ils y trouvent un peu de divertissement, tant mieux!

Le Québec rural, c'est ça et plein d'autres choses encore. Je pourrais continuer longtemps.

Je suis fière d'appartenir à cet univers qui n'est pas du tout folklorique et bien réel. Gens de la ville, il faudrait peut-être vous en souvenir plus souvent. Et je dirais même, gens du gouvernement, ne fermez pas les yeux ni les oreilles sur les ruraux. Je sais bien que la majorité des Québécois vit en ville maintenant, mais si on est si fier de la grandeur de notre territoire et de ses richesses naturelles, on devrait aussi être fier de ceux qui ont choisi de l'habiter ce territoire!

2 commentaires:

  1. Très bon article Martine, cest rafraîchissant! Je reste en Beauce, et ça fait du bien à lire :)

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  2. Merci pour ton commentaire "unknown"!

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